L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Tendre, original, subtil.

Jolie surprise que cette découverte d’un film qui n’a pas connu grand succès, L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet. À la seule audition du titre, on se rend bien compte que l’on n’est pas dans une production banale mais plutôt dans une de ces fééries qu’élabore depuis trente ans Jean-Pierre Jeunet, conçues de n’importe quoi, fabriquées avec des bizarreries, élaborées sans rigueur et pourtant drôlement bien menées. Il n’y a pas beaucoup de réalisateurs d’aujourd’hui, d’ailleurs, qui parviennent à proposer aux spectateurs ce genre d’histoires rêveuses, oniriques, stupéfiantes, toujours en tout cas d’une délicieuse originalité.

Partons pour le Montana, 41ème État des États-Unis, au nord-ouest, près de la frontière canadienne, beau, sans doute et solitaire, austère, réservé. Des plaines immenses, dominées au loin par les hautes silhouettes des montagnes Rocheuses ; mais du vert à perte de vue, des milliers d’hectares sans perspective ; des bourgades insignifiantes, ennuyeuses ; des gens qui attendent que la vie passe et pas davantage.

Au milieu de cette vacuité une famille assez singulière. Le père, Tecumseh Elijah Spivet (Callum Keith Rennie), ne songe qu’à l’Ouest d’antan et rêve de passer son existence au milieu des légendes de western ; la mère, Claire (Helena Bonham Carter) est une entomologiste passionnée qui ne vit que pour parvenir à capturer un insecte rarissime. On se demande comment ces deux-là, qui n’avaient rien en commun, ont pu se rencontrer, se plaire et concevoir trois enfants : Gracie (Niamh Wilson) la sœur aînée, qui rêve de devenir Miss Amérique (ou Miss U.S.A. : il paraît que ce n’est pas pareil) et les deux jumeaux dizygotes Layton (Jakob Davies) et Tecumseh Sansonnet (T.S.) (Kyle Catlett). Les deux jumeaux, qui pourtant s’entendent à merveille, sont on ne peut plus différents. Layton, comme son père, est une sorte de cow-boy né ; T.S. une manière de génie, un gamin surdoué capable de comprendre et de concevoir à peu près tout ; et qui, de surcroît, a parfaitement intégré l’étendue de ses capacités et vit tranquillement avec elles.

Et voilà que T.S. répond à une sorte de concours organisé par le prestigieux Smithsonian Institut de Washington sur le thème éternel et désespérant du mouvement perpétuel, sur quoi des milliers de cerveaux ont cassé leurs neurones depuis des siècles et retient l’attention des sommités de l’institut, notamment de sa secrétaire générale, Miss Jibsen (Judy Davis), toute dévouée à l’Institution et à la notoriété qu’elle pourra développer.Cela étant, ça ne va pas très bien dans le Montana ; d’abord les deux époux se parviennent pas à s’entendre comme avant ; puis le frère jumeau de T.S., Layton, se tue accidentellement en maniant sottement une carabine ; et T.S. en ressentira une culpabilité intense même si elle est évidemment injustifiée.

Est-ce pour cela que le gamin – il n’a pas 11 ans- décide follement de quitter le Montana pour aller recueillir le prix qu’il a récolté sur la côte Est ? En tout cas, le film décrit avec intelligence et beauté des images le long périple qui le conduit par le Wyoming, le Nebraska, l’Illinois jusqu’à la capitale fédérale. Une fois qu’on y est arrivé, le film baisse un peu de ton, se tournant vers le sarcasme et la critique des pouvoirs et des institutions : c’est un peu facile.N’empêche que c’est là un film plein de charme, de délicatesse et d’intelligence. Joliment tourné et bien interprété. Ce n’est pas si fréquent, n’est-ce pas ?


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