Mon pire cauchemar

L’aiguille creuse.

Comme j’avais ouï dire du bien du cinéma d’Anne Fontaine sans jamais y avoir goûté, je n’ai pas manqué l’occasion de regarder un de ses films qui passait l’autre soir à la télévision. Disons que Mon pire cauchemar ne m’a pas du tout donné envie de découvrir le reste de ses assez abondantes réalisations. Peut-être suis-je mal tombé, au demeurant et la vision de Nettoyage à sec ou de Entre ses mains pourrait modifier mon impression. Mais enfin, ça n’est pas tellement bien barré, après ce que j’ai vu.

Qu’est-ce que j’ai vu, au fait ? Une des trop nombreuses réalisations du cinéma français, inondé d’argent grâce à une réglementation particulièrement favorable ; certes, celle-ci a permis le maintien d’une authentique industrie cinématographique et de ce qu’on appelle l’exception culturelle devant les déferlantes économiques de la mondialisation.

Mais la manne financière a bien trop tendance à profiter à ceux qui sont dans les petits papiers du Centre National de la Cinématographie et à privilégier les sujets consensuels (sauf, avec un apparent paradoxe, mais apparent seulement, aux films violemment iconoclastes qui s’attaquent à la France, à la bourgeoisie, à la religion, à la famille ; mais passons). Sujets consensuels tournés avec des acteurs bankables ; ce ne sont pas eux qui font déferler les spectateurs dans les salles, mais leur notoriété permet d’obtenir les avances sur recettes et le financement par les grandes chaînes de télévision.

Pour Mon pire cauchemar, on n’a pas mégoté : la meilleure actrice française contemporaine, Isabelle Huppert, un acteur qui apporte tours une orientation d’étrangeté, Benoît Poelvoorde et, en deuxième rideau l’homme à tout faire du cinéma français, André Dussolier et la très gracieuse Virginie Efira.Comme aurait dit le Bernard Tapie en marionnette des Guignols de l’info, c’est sévèrement burné.

Après les acteurs, la structure et le récit : lorsqu’on n’a pas grand chose à dire, autant utiliser les vieilles recettes, les socles éprouvés : la rencontre de deux êtres que tout oppose, de vies et de milieux sociaux différents, même antagonistes. Agathe (Isabelle Huppert), la bourgeoise qui dirige avec fermeté une galerie d’art contemporain, Patrick (Benoît Poelvoorde) le marginal sans le sou qui vit aux crochets du monde entier. Pour accentuer encore les nuances (!!!), le fils de la bourgeoise, Adrien (Donatien Suner) est un parfait crétin, celui du marginal, Tony (Corentin Devroey) une sorte de surdoué. Et pour enfoncer encore le clou, le compagnon de la bourgeoise et père du crétin, François (André Dussolier) séduit la charmante Julie (Virginie Efira) qui est quelque chose comme employée de mairie (franchement, vous en avez déjà rencontré, des comme ça, derrière un guichet ?).

Il va de soi – ceux qui ne l’ont pas deviné d’emblée sont sûrement infirmes du bulbe – que la bourgeoise Agathe et le marginal Patrick, après s’être longuement humés vont se tomber dans les bras et tout ce qu’on imagine. Franchement, tourner des films comme ça et se prétendre réalisatrice de qualité, c’est se ficher du monde.

 

 

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