Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?

nos_heros_reussiront_ils_a_retrouver_l_ami_mysterieusement_disparu_en_afrique0 Adieu Afrique !

Si chaque séquence était plus contractée, plus brève, plus dense, réduite d’un bon tiers, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? serait un très bon film, drôle et souvent jubilatoire. Mais Ettore Scola, plus grand scénariste que grand cinéaste se prend un peu les pieds dans sa virtuosité de conteur et dilate trop souvent le récit.

Une histoire picaresque, comme celle de l’éditeur Fausto (Alberto Sordi) parti en compagnie de son comptable et souffre-douleur Ubaldo (Bernard Blier) sur les traces de son beau-frère Oreste (Nino Manfredi) qui a fui le pesant ennui de la civilisation pour les vertes collines de l’Afrique, supporte, c’est vrai et même demande beaucoup de digressions. On en admet fort bien les ramifications dans un ouvrage littéraire ; moins sans doute au cinéma, où l’action est forcément plus resserrée, plus contenue, dans une durée présentable aux spectateurs. Et encore faut-il que ces digressions soient rythmées, scandées comme il faut.

1018.5Dans Nos héros, les dix mésaventures qui surviennent et qui, presque toutes pourraient donner lieu à des développements autonomes, paraissent à la fois trop longuement exposées et un peu vides : voilà qui est paradoxal et qui montre à mes yeux les limites du film : Scola ouvre beaucoup trop de portes et, au moment où le spectateur a envie de pénétrer dans les espaces qui lui sont proposés, en bâcle les péripéties. Ainsi l’épisode de la folle musicienne allemande abandonnée par Oreste et gardée par une sorte de majordome hiératique : on ne saura rien d’elle, ni de son histoire, ni de sa folie alors que l’on pressent qu’il y a là une intéressante mine à exploiter. Ainsi le condottiere qui trimballe sa troupe de mercenaires sans utilité ni perspective.

47856309431ed-scola2jpgAssurément Ettore Scola a voulu tourner là un pamphlet anticolonialiste et il emploie quelquefois de gros sabots pour montrer quelques comportements inadmissibles (le colon portugais qui emploie tout un village à redresser un pont écroulé) ou ridicules (les trouilles des protagonistes devant les bêtes sauvages) ; mais Fausto/Sordi n’est-il pas aussi une sorte de rêveur à la Don Quichotte affublé de son Sancho Pança/Blier, découvrant une Afrique fascinante autant que fantasmée, à la manière d’un Tintin au Congo ? Il y a toute une séquence, un peu trop longue peut-être, au début du film, où, comme dans Hatari, les animaux sauvages, autruches, gazelles, zèbres, rhinocéros galopent librement dans la savane à l’émerveillement des Européens qui regardent la vitalité de la terre sauvage de la même façon qu’ils admireront un peu plus tard la beauté des chutes d’eau du duc de Bragance.

nos_hros-09Tout cela est bel et bon et la nostalgie d’Afrique est traitée avec ironie et tendresse tout à la fois, comme il est bon qu’il en soit ainsi. La veine du conte philosophique est bien exploitée et on se souvient de la belle image d’Oreste qui, décidé à quitter le pays, y est irrésistiblement rappelé par l’appel de toute la population assemblée sur la plage, dans une bien jolie séquence, à quoi ne manque pas la larme discrète sur le visage de sa petite fiancée.

Mais que de temps perdu pour en arriver là ! Il a manqué sans doute à Scola un monteur un peu filou, un peu pirate qui aurait supprimé une image sur quatre et réduit chaque séquence de cette façon pour que le film soit plus nerveux, moins alangui, moins traîneur en chemin. Aussi long et réussi qu’en est le titre, le film ne méritait pas d’être quelquefois et trop souvent si poussif.

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