OSS 117 : Le Caire, nid d’espions

Le protocole et les usages.

Je crois qu’il faut d’abord que j’évacue ma bile noire. Alors que tous les pays du monde qui comptent un peu, États-Unis, Russie, Grande-Bretagne, et sûrement Chine tentent se fièrement promouvoir aux yeux du monde, il n’y a que nous qui nous débinons et – gros malins jamais dupes – nous ridiculisons en nous moquant de nous-mêmes comme si nous n’étions pas le plus beau pays qui se puisse et celui qui a le plus apporté à l’Humanité. Au lieu de présenter un Français sauveur de la Terre et de la Civilisation, comme le firent souvent James Bond et une grande quantité de Yankees, voilà que nous nous diminuons, nous méprisons, nous goguenardons.

Je craignais le pire, en ayant lu ce qui avait été écrit sur les adaptations des romans de Jean Bruce consacrés au cruel, froid, efficace, impeccable OSS 117, à peu près similaire et d’ailleurs contemporain de James Bond, dont il partage les caractéristiques et je craignais que le film de Michel Hazanavicius ne soit qu’un compendium des traits que l’on prête à ce que les journalistes et les malins appellent franchouillardises, avec un petit ricanement très supérieur.

Ce qui est amusant et significatif c’est que Le Caire, nid d’espions a plu à des tas de gens, lorsque le film est sorti, en 2006. D’abord les adolescents limités qui s’étaient fendus la poire devant les sketches de la série Un gars, une fille puis devant le singulier Brice de Nice où la faculté comique de Jean Dujardin s’en donnait à cœur joie et à brides abattues (si je puis dire) ; puis, ce qui est tout de même plus extraordinaire, la critique parisienne et parisianiste qui avait la volupté rare de retrouver, dans un film grand public des tas et des tas de références cinématographiques, d’allusions subtiles, de clins d’œil à elle destinée (que ceux qui ont envie d’en découvrir une longue recension – qui n’est d’ailleurs peut-être pas exhaustive – aillent consulter la fiche Wikipédia du film et ses savantes gloses).

Donc, tout le monde a beaucoup aimé, en grande partie grâce au charme et à l’abattage de l’interprète principal sans qui, de fait, il n’y aurait pas de film. Bagarreur, enjôleur, séducteur, il a été doté, par les scénaristes et les dialoguistes, d’une bonne dose de franc-parler présentée de façon assez roublarde. Les belles âmes (c’est-à-dire aussi sûrement la plupart des acteurs et des techniciens) ont vu voir dans ses propos assenés ici et là une parodie raciste, homophobe, occidentalo-centrée. Tout ce qu’il est de bon ton de mépriser, tout ce qu’on ne prend même pas la peine de discuter… Je suis pour ma part beaucoup moins certain que les braves cochons de payants qui sont allés voir et applaudir le film aient réagi sur un identique registre.

Je gagerais volontiers que les propos que tient Hubert Bonnisseur de la Bath/Dujardin sur l’indolence égyptienne, qui a dû constater que l’ouverture de l’isthme de Suez par les Français de Ferdinand de Lesseps et les fonds britanniques était sans doute préférable à l’éternel Mektoub oriental, sur ses moqueries devant les réticences de la jolie Larmina (Bérénice Béjo) à boire de l’alcool (Vous avez une curieuse religion ; on ne m’ôtera pas de l’idée que vous allez vite vous en lasser !), sur ses protestations vigoureuses de son hétérosexualité, que tout cela a été plutôt applaudi dans l’obscurité des salles…

Cela dit, sans être long, le film est confus et plutôt endormant, éclairé par ci, par là par quelques éclairs, quelques bons mots, quelques loufoqueries. Un peu comme dans Brice de Nice : des éclats de rire, mais bien des torpeurs. À part Dujardin, la distribution est, à mes yeux, absolument insignifiante. On regrette que le cher Claude Brosset ait terminé sa carrière sur ça.

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