Le crime de l’Orient-Express

février 13th, 2022

Du travail d’ébéniste.

Comme dans la cuisine de brasserie, solide et roborative, il y a, au cinéma, pour certains genres, des recettes éprouvées, de celles qui marchent à tous les coups et qui donnent au spectateur, même (et peut-être surtout) s’il n’est pas dupe, un grand plaisir facile. Dans le domaine du récit policier à énigme, dont Agatha Christie est une des maîtresses incontestées, c’est à la fois tout à fait simple et très compliqué. Il faut concevoir un huis-clos où de nombreux personnages sont en apparence très disparates, d’âge, de milieu social, de situation, en fait aboutés par un lien mystérieux, et faire intervenir un crime : cela, c’est le côté simple. Read the rest of this entry »

La douceur du village

février 10th, 2022

Quatre saisons de nostalgie.

Lorsqu’un grand documentariste pose sa caméra un peu par hasard sur un calme village français de 1963, voilà que ça donne une manière de petit chef-d’œuvre tendre, émouvant, charmant, drôle. Un moyen métrage qui a pour seul tort de nous entraîner une fois de plus dans les chers méandres du C’était mieux avant ! ; c’est-à-dire de nous présenter une société, une civilisation si harmonieuses qu’on en viendrait presque à détester notre minable aujourd’hui. Read the rest of this entry »

Pandora

février 9th, 2022

L’Œuvre au noir

Gentil film très bien tourné, avec de belles images et surtout le charme exceptionnel d’Ava Gardner et le talent protéiforme de James Mason. C’est évidemment un peu long, un peu traînant, un peu studieux, avec des soins très appliqués de donner à une histoire finalement banale – une femme sublime désirée par un grand nombre d’hommes – une dimension légendaire, quasi mythologique. Albert Lewin élabore sa petite cuisine avec tous les ingrédients, tous les aromates nécessaires ; tous les ingrédients et les aromates indispensables pourrait-on dire. On revisite, comme on dit désormais une ou deux ou trois histoires qui font partie de l’imaginaire de notre Occident, on les mixe, on les fait virevolter et se rencontrer, se heurter même et on présente une belle épure. Read the rest of this entry »

Cours privé

février 7th, 2022

Une étrange affaire.

Le Cours Ketti est une de ces institutions privées sans doute hors contrat qu’on appelait jadis des boîtes à bachot ; tout au moins lorsque l’examen du baccalauréat avait à la fois une certaine difficulté et une certaine importance. Des familles aisées y plaçaient leurs rejetons peu passionnés par l’étude ou simplement s’en débarrassaient pour être tranquilles. En remontant quelques décennies, ça donne Les disparus de Saint AgilLes anciens de Saint Loup ou Les diaboliques ; mais tous ces films présentent des internats et, l’époque rendant la chose évidente, des internats de garçons. Cours privé, qui date de 1986, modernise le cadre : on est à Neuilly, l’établissement est un externat mixte. Read the rest of this entry »

Lourdes

février 4th, 2022

Les clefs du Royaume.

Mettons tout de suite les choses en place : Lourdes n’est pas un nouveau film sur les apparitions mariales survenues en 1858 devant la toute jeune et fruste Bernadette Soubirous. Pour cela il y a le bien intéressant Chant de Bernadette de Henry King (1943) et des tas d’autres films : Il suffit d’aimer de Robert Darène (1960), Bernadette de Jean Delannoy (1988). Pas davantage une interrogation sur la réalité des miracles, sur quoi ont écrit ZolaHuysmans, Mauriac

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Le passage du canyon

février 2nd, 2022

Qu’elle est boueuse ma vallée !

J’ai rarement vu un western aussi médiocre et ennuyeux. Il est vrai que le genre, célébré par de béats étasuniens qui, n’ayant pas d’histoire ni de civilisations derrière eux s’en gobergent et s’en enorgueillissent, n’est pas de ceux que je préfère. Sommaires et puériles, ces histoires de vachers mal embouchés, aux coups de poing faciles me semblent être le plus souvent au niveau zéro du cinéma. Mais comme la gangrène de soumission intellectuelle a gagné beaucoup d’esprits depuis une centaine d’années, il est convenu de trouver admirables ces récits sans profondeur. Read the rest of this entry »

Les jeux de la comtesse Dolingen de Gratz

janvier 31st, 2022

Les fantômes à votre rencontre.

Je viens de regarder deux fois de suite ce film au beau titre étrange et plein de mystère. Je ne suis pas certain d’avoir aimé ; moins encore sûr d’avoir compris quelque chose à ce récit où s’entrecroisent les destinées et les personnages. Où il n’y a guère de séquences où l’on sorte des sables mouvants. Un peu comme dans un cauchemar, va-t-on me dire ? Oui, un peu ainsi sans doute, mais un cauchemar à multiples facettes dont surgissent à tous moments de nouveaux personnages inquiétants ou grotesques. Read the rest of this entry »

Tout s’est bien passé

janvier 29th, 2022

La potion amère.

À dire vrai, si l’on ne m’avait pas proposé de regarder ce film en avant-première de son édition en DVD, aurais-je souhaité le regarder ? J’ai, avec le cinéma de François Ozon des rapports contrastés et depuis Jeune et jolie en 2013, je n’avais plus rien vu de lui ; ceci alors même que j’avais assez apprécié des œuvres plus anciennes, notamment Sous le sable (ce qu’il a fait de mieux, à mon sens) ou Swimming pool ou Dans la maison.Il est vrai que ce réalisateur est de ceux qui présentent au public un nouveau film chaque année ou presque, ce qui produit naturellement beaucoup de scories. Mais écrivant ceci, je m’en repends presque immédiatement, me souvenant que Julien Duvivier (que je place aux premiers rangs de mon Panthéon personnel, avec Henri-Georges Clouzot et Jacques Becker) était dans une même disposition d’esprit et, comme Ozon le fait, pouvait souvent changer de registre. Read the rest of this entry »

Sexe, mensonges et vidéo

janvier 29th, 2022

Promet plus qu’il ne donne.

Il n’était pas impossible penser qu’un film sur quelques unes des frustrations qui ont été entraînées par la libération sexuelle pouvait être intelligent et intéressant. La pesanteur des diktats imposés par cette prétendue libération et les angoisses que peuvent ressentir ceux qui ne répondent pas tout à fait aux critères largement popularisés par la presse féminine (surtout) du type Cosmopolitan ou Marie-Claire méritait en effet un regard un peu subtil sur les déglingues de notre pauvre humanité. Read the rest of this entry »

Le rêve

janvier 27th, 2022

Pan dans le mille, Émile !

Je me demandais depuis longtemps, avant d’avoir vu le film comment ce stupéfiant roman de Zola avait été adapté. Stupéfiant ? Oh oui ! Oh combien ! Dans les vingt volumes des Rougon-Macquart, Le rêve a une place toute particulière : accusé par ses détracteurs d’être un cacographe et un pornographe, de se complaire et de ne savoir traiter que des sujets orduriers ou scandaleux, Zola avait entrepris, juste après La Terre où les paysans sont débiles, incestueux, tarés et grippe-sous, et avant La bête humaine où Lantier, fils de la Gervaise de L’assommoir devient fou dès qu’il boit une goutte d’alcool, de faire une œuvre pure. Read the rest of this entry »