Piège de cristal

Chauds, les glaçons !

On sait bien, parce que c’est évident et que c’est la loi du genre, qu’à la fin tout va s’arranger et que John McClane (Bruce Willis) triomphera des méchants et fera triompher le Bien. Mais ce qui est très bien c’est qu’on se demande vraiment comment il va faire et quels sortilèges il devra employer pour mettre en l’air l’entreprise subtile et sanglante de Hans Grüber (Alan Rickman) de s’emparer de 640 millions de dollars benoîtement enfermés dans le coffre d’une entreprise multinationale. Sortilèges n’est d’ailleurs sûrement pas le mot adéquat, puisque McLane est d’emblée présenté comme un petit policier honnête, cabochard, grognon ; presque, pourrait-on dire, limité. Rien en lui d’un superman, d’un héros de légende volant au secours de la veuve et de l’orphelin, ou sauvant le monde à ses moments perdus.

Tout au contraire, d’ailleurs. Venant de New-York, il atterrit, guère à l’aise en avion, à Los Angeles, un soir de réveillon de Noël, alors que sa femme Holly (Bonnie Bedelia) l’a quitté, avec leurs deux enfants, quelques mois plus tôt, pour poursuivre une carrière brillante au sein de la grande opulente entreprise Nakatomi ; ce n’est pas idiot de mettre en scène un couple qui s’aime, assurément, mais qui ne va plus dans la même direction, elle privilégiant son boulot, où elle connaît une réussite éclatante, lui, sans doute moins subtil, à l’esprit moins délié, continuant à être obsédé par la traque des criminels. Manque de pot : au moment où les deux époux se retrouvent et sont bien près d’avouer qu’ils n’attendent que de renouer, voilà qu’une bande de criminels de haute volée s’empare du building.

Malgré tous les moyens qu’on peut vous donner, il n’est pas si facile que ça de réussir un film d’action. D’abord parce qu’il faut jeter assez de poudre aux yeux des spectateurs pour qu’ils ne s’aperçoivent pas, ou qu’ils négligent les évidentes invraisemblances du scénario et que, comme dans un conte de fées, ils se laissent avec complaisance mener par le bout du nez séquence après séquence.

Tout cela se peut permettre grâce au sens du rythme, un rythme infernal qui ne laisse pas de repos à l’œil et moins encore à la réflexion. Et le réalisateur du film, John McTiernan, sait parfaitement maintenir au bon niveau cette allure. À aucun moment le spectateur ne peut résister aux enchaînements qui lui sont proposés alors même qu’il n’est pas à même de saisir avec précision le déroulement des événements. Je veux dire par là que, sauf à être doté d’un cerveau d’architecte et de dresser à chaque minute dans sa tête le plan de l’immeuble où se déroule l’action, il est impératif de se laisser entraîner sans barguigner dans l’aventure.

Puis parce qu’il est indispensable de dresser, à côté de la figure du justicier, la personnalité du méchant, de celui qui va capitaliser toute la réprobation, toute l’aversion du spectateur sur sa tête ; et, admirablement interprétée par Alan Rickman, subtil, intelligent, glaçant, impitoyable, la stature du chef de la troupe des bandits est du bon niveau et l’on peut ressentir pour elle de l’aversion et du dégoût. Et que plusieurs des figures de la troupe hétéroclite ont aussi des figures reconnaissables, par exemple le froid tueur aux longs cheveux blonds Karl (Alexander Godunov) ou le perceur de coffres-forts informaticien Théo (Clarence Gilyard) qui fait songer, d’ailleurs, au Barney Collins (Greg Morris) de la série télévisée Mission : impossible.

En mêlant tout cela, un scénario aux péripéties haletantes et des personnages bien, violemment (si l’on veut) caractérisés, on obtient un film très réussi qui a connu un immense succès public. Des moyens importants, des dialogues percutants, des acteurs de qualité : un spectacle bien agréable.

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