Sideways

Avec une poignée de terre.

Finalement, alors que, grâce à leur beauté, à leur rapport avec la Civilisation, au rapport avec notre identité française nos terroirs devraient donner aux réalisateurs des tas d’idées de scénarios, il n’y a pas tant que ça de films qui donnent sa place au vin, la première, la meilleure et la plus belle boisson du monde. A part les assez gentils MondovinoSaint AmourTu seras mon filsCe qui nous lie, films estimables mais sans éclat, que pouvons-nous dire alors que nous sommes le creuset de ce breuvage magique et merveilleux ? Pas grand chose ; et c’est aussi pour ça que nous devons subir Coca-Cola.

Alors on est à la fois ravi et un peu gêné de regarder un film où des Californiens parlent avec sensibilité, intelligence, expertise et érudition de vinification et de cépages. Un film où on évoque comme des merveilles bouleversantes presque inatteignables l’idée qu’on pourrait un jour boire un Richebourg du Domaine de la Romanée-Conti ou un Cheval-Blanc 1961 , le sommet des Saint-Émilion avec Ausone et, depuis peu L’Angélus et Pavie. Et que dans la cave de la séduisante Stéphanie (Sandra Oh), figure une bouteille d’un grand cru de Pommard (de Dominique Laurent, si j’ai bien vu).

Donc Jack (Thomas Haden Church), un de ces acteurs ringards à physique avantageux qui peuplent les spots publicitaires et les séries de troisième zone va se marier avec Christine (Alysia Reiner), dont le père est un opulent entrepreneur d’origine arménienne qui va l’associer à ses affaires et lui assurer la prospérité matérielle. Et Miles (Paul Giamatti), le meilleur ami de Jack, connu à l’Université. Miles est un insignifiant garçon, professeur de lycée qui rêve de voir publié le considérable roman qu’il écrit depuis plusieurs années, mais qui ne se fait pas trop d’illusions sur ses chances.

Miles attend, d’un jour à l’autre la réponse d’un éditeur, qui sera sans doute sa dernière chance. Jack n’a plus que huit jours avant de passer sous les fourches de l’hyménée. Les deux vieux potes décident donc de s’octroyer une semaine de déconnage, une semaine cruciale. Le prétexte, le fil conducteur, sera l’initiation de Jack par Miles aux beautés du vin. Autant aller découvrir les merveilles de la Napa Valley où foisonnent les exploitations et les caves de dégustation. Mais Miles, déprimé parce qu’il a été quitté par Victoria (Jessica Hecht) deux ans auparavant, parce qu’il n’a pas beaucoup de talent littéraire, parce qu’il se laisse trop souvent aller à boire trop n’a pas d’autre raison d’être que d’oublier sa déprime ; alors que Jack, qui ressemble un peu à Schwarzenegger ne rêve que de brûler au maximum la chandelle par les deux bouts avant d’entrer dans un inévitable hyménée, qui ne le séduit pas tant que ça.

La qualité de Sideways repose sur un scénario qui n’a rien de banal ; on connaît certes bien les périples de deux hommes dans une bagnole, mais là ce n’est ni Tandem, ni Le fanfaron ; il y a quelque chose de frais et de triste, de séduisant et de malencontreux dans les aventures de ces paumés attachants qui rencontrent de jolies filles qui jouent à être heureuses, mais qui espèrent tellement autre chose que ce qu’elles ont, Stéphanie donc, qui possède une si belle cave, et la solaire Maya (Virginia Madsen), qui est délicate, délicieuse, belle comme tout.

Le film se termine comme il doit se terminer : sur l’évidence. Jack, malgré qu’il en ait, épousera Christine, sans enthousiasme, mais sans regret et Miles renoncera au rêve fou de séduire Victoria, reprenant le chemin qui le mène vers Maya.

C’est un joli film, gris et rose, drôle et triste. Miles ne sera pas publié. Et alors ?

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