Tromperie

Heureusement on ne s’aimait pas…

Tromperie ? Jamais un film n’a si bien porté son nom.

Arnaud Desplechin est un cinéaste reconnu et célébré par toute la critique sérieuse, celle de Télérama ou des Inrockuptibles ; vous savez, ces magazines qui ouvrent chaque année des gouffres financiers toujours plus béants, mais que la bienveillance de quelques milliardaires capitalistes maintient à flot, alors qu’ils se veulent à l’avant-garde de toutes les révoltes, toutes les rebellions, toutes les insoumissions. D’ailleurs Desplechin est un partisan enthousiaste de tous les migrants qui viennent s’installer illégalement sur le sol français. Comme il ne manque pas d’air il a été un soutien actif de la fameuse Léonarda, cette jeune Kosovare expulsée avec sa famille et avec qui le fumeux François Hollande avait échangé un coup de téléphone qui avait rempli à peu près tout le monde de honte devant cet abaissement consenti de la fonction présidentielle.

Donc Arnaud Desplechin filme. Et comme il a été sevré de tournage en raison du confinement covid, il tourne un film qu’il est concevable de réaliser rapidement, adapté d’un court roman de Philip Roth, écrivain dont je n’ai, au demeurant jamais lu une ligne. Mais on m’en a dit du bien et je note qu’un deuxième volume de ses œuvres vient d’être édité en Pléiade, ce qui signifie, à mes yeux, que ce n’est pas un écrivain tout à fait insignifiant.

De ce que je lis de l’œuvre du romancier, il semble que la sexualité y soit omniprésente, obsédante, même et aussi la complexité des relations humaines, des facettes différentes que chacun présente à chacun. Pourquoi pas ? Rien qui soit bien contestable là-dessus ; mais comme il est difficile de faire sentir les subtilités, les incertitudes, les émois, les nostalgies, les angoisses, les flux et reflux du désir ! Même en les présentant, en les segmentant en douze tableaux hétéroclites, de façon largement théâtrale, il ne me semble pas que le réalisateur ait montré autre chose qu’un grand vide.

Remarquez bien que la chose peut se défendre. Mais ainsi présenté, c’est terriblement artificiel. De quoi s’agit-il, en fait ? Un écrivain, qui est évidemment Philip Roth lui-même et qui est interprété à l’écran par Denis Podalydes règle ses comptes avec plusieurs femmes qui ont compté dans sa vie – en tout cas dans les quelques années qui se situent avant et après le film. En premier lieu avec celle qui, jamais nommée, est appelée L’amante anglaise (Léa Seydoux). Une femme étrange, séduisante et mal à l’aise dans sa vie, qui n’aime ni son mari, ni son enfant et qui trouve ou croit trouver dans les bras du grand écrivain, une sorte de raison de vivre.

Mais il y a plein de raisons de vivre, d’ailleurs ! Plein d’histoires à découvrir, plein de femmes à séduire ou à se souvenir qu’on les a séduites, comme Rosalie (Emmanuelle Devos) qui se meurt d’un cancer sans pitié au fond d’une clinique new-yorkaise ou la femme légitime (Anouk Grinberg), désemparée et sans moyen de lutter contre cette pulsion folle qui pousse son mari à aller voir toujours plus loin si les criques sont plus ensoleillées ; et peu importe qu’il y ait aussi cette étudiante paranoïaque douce (Rebecca Marder) et sans doute, au passage, d’autres corps et d’autres minois.

Tout cela n’a rien d’extraordinaire ni d’anormal ; mais tout cela est ennuyeux d’un ennui pesant. À aucun moment on ne sent le trouble, l’émoi, l’envie, la ferveur dorée qui devrait animer le prédateur qui construit son œuvre et bâtit ses romans en pompant la substance de ses découvertes. Une fois qu’on a vu, entendu, dit et écrit cela, qu’ajouter ?

Que l’on a devant soi un film qui, malgré des acteurs de qualité, patouille dans le vide intégral.

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