Un homme et son péché

Banalité du vivant.

Je ne vois pas beaucoup d’intérêt, sauf exception rare, d’aller s’ébaubir de films indiens, ou chinois, ou japonais (ou papous) pour s’émerveiller de leur exotisme : il suffit de regarder beaucoup plus près de soi pour trouver un exotisme bien davantage proche de nous, donc bien plus compréhensible et nourri de nos propres références culturelles : le Québec de la fin des années Quarante, lorsque la Belle province commençait à lutter pour préserver sa magnifique identité. Cela étant, on ne peut pas se dissimuler que l’accent québécois, quand il est porté à cette sorte d’incandescence, peut presque représenter à nos méninges la même difficulté d’empathie que les singularités asiatiques et leurs bizarreries.

Il faut d’abord savoir – mais Wikipédia est là pour ça – qu’Un homme et son péché adapte un segment d’un très long feuilleton radiophonique qui a enchanté le Canada français de 1939 à 1962. Un peu comme les multiples péripéties de La famille Duraton en France qui a occupé la radio de 1936 à 1966. Et naturellement lorsqu’il s’agit de ces longues, très longues séries, les archétypes fleurissent, les péripéties s’enchaînent et les auditeurs deviennent si familiers aux personnages qu’ils fréquentent chaque jour que la moindre inflexion du ton, la moindre particularité d’un comportement, la moindre modulation du caractère des personnages peut être perçue comme importante, significative… décontenançante en tout cas.

Pour qui n’a jamais pénétré dans les singularités de cette communauté villageoise qui, à la fin du 19ème siècle, commence à défricher les terres vierges des Laurentides, au nord de Montréal, c’est évidemment un peu plus compliqué.

Le film de Paul Gury présentait aux Québécois de 1949 des personnages et des situations bien connus et bien maîtrisés par eux : le personnage principal, Séraphin Poudrier (Hector Charland) est déjà un archétype : un Harpagon, uniquement dépendant des économies qu’il entasse et qui a pu s’offrir la jolie Donalda (Nicole Germain) en l’achetant, d’une certaine façon, à son père qu’il a conduit à la ruine. Parallèlement l’amoureux éconduit de Donalda, le vigoureux Alexis (Guy Provost) a fondé avec Artémise (Suzanne Avon) un couple solide et aimant.

À dire vrai les histoires relatées dans Un homme et son péché n’ont pas le moindre intérêt ; j’imagine que pour les spectateurs québécois, la mise sur l’écran de personnages et de situations d’eux archiconnus était pleine de références et qu’ils n’avaient pas la moindre difficulté à identifier, reconnaître, situer tous ceux qui intervenaient : vous savez bien : dès que vous possédez la plupart des pièces du puzzle, tout ajout devient facile et satisfaisant.

Ce n’est donc pas de ce point de vue qu’on peut apprécier le film ; qui n’a, par ailleurs, aucune personnalité esthétique : tout ça est normal, habituel, conforme, sans aspérité. Pour autant, le film ne manque pas de séduction, tout au moins si l’on est proche et plein de sympathie vis-à-vis de nos frères éloignés, séparés et si proches pourtant qui, de l’autre côté de l’océan atlantique perpétuent ce qui fut la grande France.

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