Une femme à sa fenêtre

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Intelligent et verbeux

Je ne suis pas très fort amateur de Pierre Drieu La Rochelle, au talent d’écriture indéniable, mais trop torturé par la haine de soi et les contradictions internes, qui se suicida en mars 1945, mais qui était déjà mort à toute espérance, après avoir été successivement (successivement ? va savoir !) libéral, radical, anticlérical, socialiste, fasciste et avoir, dans son Journal, alors même qu’il se réinscrivait au P.P.F. de Jacques Doriot dit sa fascination pour le stalinisme.

Individu complexe dans l’Europe complexe de l’Entre-deux-guerres, où s’étalent les régimes autoritaires ; car il n’y a pas que l’Italie, l’Allemagne ou l’Espagne qui aient mis à leur tête un dictateur : Pologne de Pildsuski, Hongrie de l’Amiral Horthy, Roumanie du roi Carol, Grèce du général Metaxas… Complexité d’autant plus grande que la parenté d’action de ces régimes autoritaires n’en fait pas pour autant des alliés : c’est ainsi que les demandes de Mussolini de se servir de la Grèce comme base en Méditerranée orientale furent vigoureusement repoussées par Metaxas, ce qui engendra un conflit armé en 1940/1941. On voit par là que rien n’est simple.

75819036C’est de ce Metaxas-là qu’il est précisément question dans Une Femme à sa fenêtre, qui se passe en Grèce et où Margot, femme alanguie (Romy Schneider) de Rico Santorini (Umberto Orsini), diplomate intelligent, cynique et assez veule s’amourache d’un terroriste communiste, le révolutionnaire professionnel Michel Boutros (Victor Lanoux, étonnant de sobriété) sous l’œil de la belle société cosmopolite et friquée qui danse sur le volcan, et notamment de Raoul Malfosse (Philippe Noiret), soupirant attitré et platonique de la belle Margot ; naturellement, Boutros est activement recherché par la police politique dirigée efficacement par le brutal et subtil Primoukis (Gastone Moschin, excellent, et pourtant si loin de Rambaldo Melandri, l’architecte amoureux de Mes chers amis).

Unefemme03-2C’est bien, quelquefois, ça pourrait être très bien souvent, parce que la beauté de la Grèce et l’intensité des passions de l’époque s’y prêtent, mais ça ne convainc pas vraiment ; parce que c’est un peu trop dense, parce que l’adaptation et les dialogues de Jorge Semprun sont trop écrits et trop littéraires et que le film hésite entre futilité et gravité, entre le récit d’une passion – plus charnelle et désennuyante qu’autre chose – et la réflexion plus grave sur la montée des périls ou, plus vastement encore, sur Tradition et Révolution (ainsi une des premières scènes où, à Delphes, Margot, toute pénétrée de la beauté de ces sites fondateurs de notre Civilisation, fait reproche à Michel d’y être indifférent, qui lui répond Je ne veux pas aimer ce qui n’est que momies embaumées par le Temps).

Il me semble que Granier-Deferre brasse là un sujet un peu trop grand pour lui, un peu trop complexe ; lui qui excelle, habituellement, sur l’incertitude des rapports humains (Le chat, La veuve Couderc, L’étoile du Nord, Cours privé) n’a pas la main pour saisir à la fois l’histoire des individus et l’Histoire tout court (y a-t-il, dans Le train la moindre réflexion sur ce qui se passe, par ailleurs ?).

Mais bon ! Grâce aux acteurs, à la qualité de la reconstitution formelle de l’époque (beaux décors, beaux costumes), on ne s’ennuie jamais ; c’est déjà bien !

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