Octopussy

Quand James Bond se prend au sérieux…

En regardant le film, je m’étonnais que la première partie d’Octopussy soit si différente et si supérieure à la seconde partie. Je me disais que j’étais sans doute influencé par l’exotisme de l’Inde et la beauté des palais du Rajasthan et une certaine vivacité originale dans la rythme du récit (celui-ci fût-il aussi bêtement compliqué qu’il l’est). Et j’ai appris que les deux segments n’ont pas été écrits par le même scénariste ! La rupture de ton est en effet manifeste.

Au début, si l’on veut bien oublier un instant ce qui faisait le charme et l’efficacité des premiers opus, Octopussy tient très honorablement le choc. Il n’y a évidemment plus la simplicité et la clarté des scénarios, l’originalité impressionnante des malfaisants et – surtout ! – la seule véritable personnification du héros de Ian Fleming, c’est-à-dire, évidemment, Sean Connery ; mais on peut se contenter de Roger Moore bien que, incarnant pour l’avant-dernière fois le personnage, il apparaisse tout de même comme un peu empâté. (Cela dit, cet encroutement n’est rien par rapport à l’image assez triste donnée par Loïs Maxwell, éternelle Monneypenny, charme fané déjà remarqué dix ans auparavant dans L’homme au pistolet d’or et qui là se traduit par l’image assez pathétique de la présentation à Bond de la nouvelle assistante, jeune et jolie. Tempus fugit et dire que Loïs Maxwell a aussi joué dans le film suivant, Dangereusement vôtre !).

maudam La gadgétisation et l’invraisemblance ont déjà largement commencé à faire des ravages et le spectaculaire à tuer le spectacle, mais quelques idées sont bien exploitées et assez palpitantes : par exemple la poursuite de Bond par les séides de Kamal Khan (Louis Jourdan) menés par le redoutable Gobinda (Kabir Bedi) (l’homme qui peut écraser deux dés par la seule force du poignet !) dans les grouillantes rues d’Udaipur : ingéniosité des péripéties, à base d’étals renversés, de foules sidérées, de faufilages de véhicules hétéroclites au milieu des passants, vieille recette de films muets mais ici fort bien menée, avec d’excellents gags (une liasse de roupies dont l’épaisseur a protégé Bond, qui l’avait placée sur son cœur, d’un coup de poignard et qui, rejetée par lui arrive miraculeusement dans la sébile d’un mendiant, une autre liasse jetée au vent et à la concupiscence publique permettant de stopper les poursuivants grâce à l’afflux des flâneurs chanceux). Et tout le folklore hindou : lit de clous du fakir, tapis de braises à traverser, avaleur de sabres, cobras domestiqués…1024.3bond.ls.8712_copy

Autre séquence de qualité : la chasse au Bond dans la jungle, menée par Kamal Khan avec la même volupté que celle du Comte Zaroff dans le film de Schoedsack, mais avec beaucoup moins de classe. Le scénariste n’a pas résisté à la tentation, malheureusement, de poursuivre le pastiche avec une parodie de Tarzan assez bêtasse.

Et puis, l’Inde quittée et sa thébaïde exclusivement féminine dirigée par la belle Octopussy (Maud Adams), toute cette agréable faribole devient pesante et ridicule et ennuyeuse. Et en plus tout à fait antinomique avec la personnalité de 007 ; on voit presque pleurnicher l’agent secret, dont le caractère est à la fois cruel et indifférent, devant la menace d’une explosion nucléaire : mais vous allez tuer des innocents ! beugle-t-il… Tout Bondien conséquent ne peut que frémir de cette nouillerie…Octopussy-Clown-Suit-2

La fin du film est celle de tous les films d’action des dernières décennies : trop de bagarres, trop de cascades, trop d’explosions. Et, pour gâcher le plaisir, il n’y a pas mieux que les séquences finales, dans un cirque. On a honte de voir Bond déguisé en gugusse sauver le monde à la dernière seconde. C’est lamentable.

Et on n’est pas mécontent que ça se termine, finalement.

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