7 morts sur ordonnance

Une étrange affaire.

Le carton final annonce que le film est directement inspiré d’une histoire véridique. En fait, partant du double suicide, à quinze ans de distance, de deux chirurgiens rémois, l’excellent romancier Georges Conchon, s’appuyant sur des éventualités et des ragots assez rancis a bâti une histoire dont la trame est celle, fort classique et toujours bien vue en France, du citoyen contre les pouvoirs, dada du philosophe radical Alain (1868-1951). Conchon a refait le coup plus tard avec Judith Therpauve du malencontreux Patrice Chéreau et même avec La Banquière, que Francis Girod  a néanmoins sauvé. Cela étant, personne ne peut mettre en doute que le milieu médical et les intérêts considérables mis en jeu dans les cliniques privées ne soient pas un nauséeux panier de crabes où tout peut effectivement arriver, y compris le harcèlement qui conduit au suicide.

J’avais un assez bon souvenir de 7 morts sur ordonnance, vu deux ou trois fois depuis quarante ans mais oublié sans doute depuis vingt ; j’ai été bien déçu, n’y voyant guère que des défauts, agacé par l’inutile complication de la réalisation qui installe des flashbacks à tire-larigot et faisant continuellement naviguer le spectateur entre le Clermont-Ferrand médical du docteur Berg (Gérard Depardieu) et celui du docteur Losseray (Michel Piccoli), dix ans plus tard avec la même toile de fond du trust clinicien Brézé mené par son patriarche (Charles Vanel), gluant, méprisable et tout-puissant. On n’a certes pas mégoté sur la qualité bourgeoise des appartements, les costumes où les époques sont subtilement décalées, le nombreux personnel veillant autour des scialytiques, les accidents opératoires et la désolation des couloirs stérilisés des hôpitaux. On n’a pas non plus négligé un sympathique petit côté gore avec des enfants massacrés à la chevrotine et des mères hurlantes. Belle ouvrage !

Mais quelle affreuse direction d’acteurs ! Je mets tout de suite à part Charles Vanel, radieux de méchanceté, de mépris universel (la haine qu’il a pour ses fils et ses gendres ! un bonheur !), de fiel et d’amertume ; sans doute un de ses meilleurs rôles (mais il en a connu si peu de mauvais !). J’élimine aussi les deux gourdes Jane Birkin et Marina Vlady, pourtant habituellement intéressantes (et ce que Vlady peut être belle !) dont les rôles sont sans consistance et sans intérêt et qui ne peuvent se comporter qu’en potiches décoratives. Je me réjouis de retrouver Michel Auclair dans le personnage ambigu du docteur Mathy, le psychiatre qui est un peu au dessus de la mêlée et qui conserve toujours, dans son beau visage un peu mou, un peu veule, les distances nécessaires.

Mais Piccoli, mais Depardieu ? Eh bien, dût la chose choquer, je n’ai jamais trouvé ces deux immenses acteurs aussi mal dirigés que dans 7 morts sur ordonnance,le premier furibard, excité, énervé, ridicule, le second atone, fatigué, écrasé par le sort et les autres, exaspéré et craquant brusquement sans raison particulière. Je sais bien que les personnages qu’ils incarnent sont précisément de cette eau-là et qu’il faut bien que l’un soit excessif dans la folie, l’autre outrancier dans la dégringolade.

N’empêche que ça sonne drôlement faux.

 

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