James Bond contre Docteur No

Les origines du mythe.

Je ne me souviens pas de la campagne de marketing qui, au début de l’année 1963, a dû inonder les terroirs français puisque James Bond 007 contre Dr No fut chez nous un immense succès alors même qu’il fallait y créer un mythe. De fait personne, hors les spécialistes du roman d’espionnage, n’avait entendu parler des romans de Ian Fleming, ni les cinéphages de Sean Connery, jusqu’alors confiné dans la figuration ou les seconds rôles et moins encore d’Ursula Andress, minuscule débutante.

Mais ce que je me rappelle, c’est le succès inouï, torrentueux, qui a accompagné le film ; et d’une certaine façon moins sur les écrans (très honorable chiffre d’entrées, toutefois, aux alentours de 4 millions de spectateurs) que sur une manière d’irriguer notre imaginaire : du jour au lendemain, tous les adolescents ont rêvé de ressembler à cet espion désinvolte, irrésistible et cruel, lancé dans des endroits et des paysages de rêve, séduisant des filles sublimes et sachant distinguer la haute allure d’un Dom Pérignon 55 (mais il préfère le 53, il me semble), bénéficier d’une chance insolente au baccara et avoir sur les systèmes gyroscopiques des fusées des aperçus scientifiques pertinents.

imagesEt en plus, pour un film d’aventure destiné à tous les publics, c’était drôlement violent et méchant ; jusqu’alors il y avait des codes minimum qui interdisaient, par exemple, qu’on tuât de sang-froid une femme (or, c’est bien ce qui arrive au début de Dr No lorsque la secrétaire du correspondant des services secrets britanniques à la Jamaïque est froidement assassinée après son patron) ou qu’un ennemi désarmé fût abattu (et c’est bien ce que fait Bond en tuant le minéralogiste Dent (Anthony Dawson, séide du Dr No). Il y avait même un peu de sadisme horrifique, telle la carbonisation du pauvre Quarrel (John Kitzmiller) par le tank lance-flammes qu’il prenait pour un dragon et l’engloutissement de No dans le bassin nucléaire en ébullition.

309409908_0042df423eD’emblée, dans la perspective d’une longue série, Dr No installait ce qu’on pourrait appeler la grammaire bondienne (qui, hélas, aujourd’hui a subi le même sort que la grammaire française : trucages et abâtardissement) : le thème musical (dont j’apprends qu’il est de Monty Norman et non de John Barry qui en fut le simple orchestrateur), la séquence d’ouverture au moyen d’un canon de revolver, les personnages récurrents, M (Bernard Lee) et la délicieuse Monneypenny (Lois Maxwell), la consommation effrénée de tabac, d’alcool et de jolies filles. Et bien sûr, aussi, la maléfique présence du S.P.E.C.T.R.E. qui causera bien des soucis à Bond.

dr no bikiniCela dit, le premier film de la série, s’il est très réussi, n’est pas le meilleur (à mon sens les deux suivants, et surtout Goldfinger le dépassent). Moins parce que l’intrigue est un peu simpliste que parce que les deux faire-valoir de Bond, la belle fille et le salaud, interviennent trop tard : est-ce que vous vous figurez qu’Ursula Andress ne surgit de l’onde (et ne coupe le souffle à plusieurs générations d’admirateurs) qu’à 59 minutes 56 secondes et que le Docteur No (Joseph Wiseman) ne fait sa glaçante apparition qu’à 1h24 ? Pour un film d’1h45, tout cela est trop tardif et un peu gâché.

Mais on ne va pas bouder son plaisir, ni renier sa jeunesse. Merci Ian Fleming, merci Sean Connery. Et merci Terence Young qui, aux dires des commentateurs a posé si fermement sa marque sur l’éternité de James Bond…

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