À pied, à cheval et en Spoutnik

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Ça ne tourne pas bien

On avait quitté la famille Martin de A pied, à cheval et en voiture réconciliée avec le Progrès, sa grande fille fiancée et ses soucis aux vestiaires ; on en retrouve les deux principaux protagonistes, Léon (Noël-Noël) et Marguerite (Denise Grey) lancés dans un petit truc invraisemblable pourtant conçu par des auteurs généralement assez spirituels, Robert Rocca et Jacques Grello, grandes figures de La boîte à sel et du Club des Chansonniers (vous souvenez-vous, les Anciens ?).

Oui, un petit truc invraisemblable, évidemment tourné pour exploiter le succès (réel et bon enfant) du premier film, et naturellement ce qui fut l’évènement majeur de l’année 1957 (avec la première victoire de Jacques Anquetil) : le lancement du Spoutnik.

Comme le Monde – et la France tout autant – était extrêmement clivé, la nouvelle de l’envoi dans l’espace d’un satellite avait frappé chacun : les communistes et leurs sympathisants y voyaient la démonstration de l’évidente supériorité du système et de l‘homo sovieticus ; les autres étaient frappés de stupeur et vaguement terrorisés que l’Empire du Mal taillât ainsi des croupières à l’Amérique : nous n’allions pas tarder à prendre sur la figure une bombe A, ou, pire, H, d’autant que nous n’avions pas été très loin de cette perspective l’année d’avant, celle de Suez et du soulèvement de la Hongrie. D’ailleurs, après le Spoutnik, il y eut la chienne Laïka, Youri Gagarine, Guerman Titov et tout le toutim. Et les États-Unis couraient derrière.

J’ai passablement digressé.

Donc, Léon Martin (Noël-Noël, quand il veut vraiment faire Français moyen, s’appelle toujours Martin : Adrien dans La famille Duraton ou Édouard, dans Le père tranquille), Léon Martin, donc, après un accident de la route, perd la mémoire. Il se retrouvera à Moscou, puis dans l’Espace. Il en reviendra, étonné de rien (il a fait la Guerre !), brave type un peu grognon, franchouillard comme personne.

Il en reviendra, mais nous l’aurons perdu en chemin, tant le cheminement est absurde et niais et même passablement ennuyeux.

Que sauver de cette suite, qui est bien loin de valoir le premier film ? Pas grand chose, à dire le vrai : deux ou trois images d’un Paris où les voitures sont (encore) rares, au regard de nos habitudes d’aujourd’hui, où l’on se gare sans difficulté et sans parcmètre, où l’on emprunte en double sens des rues depuis longtemps en sens unique (c’est extraordinairement étrange et dépaysant, cela !).

Mais aussi quelques notules :

  • Martin, qui descendait du trottoir, laisse passer une voiture conduite par une femme : il se découvre aimablement et salue d’un coup de chapeau : on est assez loin des doigts d’honneur contemporains et des noms d’oiseaux adjacents.
  • lorsque Martin se réveille à l’hôpital, après son accident de voiture, il y a sur son plateau-repas, une belle carafe de vin rouge ; heureux temps où les intérêts de la viticulture française étaient ainsi préservés !
  • Claude Darget intarissable, à la télévision : qui se souvient de lui, qui l’évoque encore, alors qu’il était l’égal d’un Léon Zitrone ?

C’est bien peu.

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