Anthony Zimmer

Trop malin pour être honnête.

J’aurais aimé donner une assez bonne note à Anthony Zimmer, parce que je ne m’y suis pas ennuyé une seconde et parce que j’y ai apprécié le jeu toujours intelligent d’Yvan Attal et l’invraisemblable capacité séductrice de Sophie Marceau. Bon film de série, certes, bien charpenté, bien rythmé, bien conduit, avec tout ce qu’il faut de séquences brutales pour frapper l’imagination, tout ce qu’il faut d’images de palace pour qu’on puisse s’y prélasser virtuellement, juste ce qu’il faut d’assassinats et de courses poursuite pour qu’on puisse y trouver son content d’adrénaline.

 

Et malheureusement une idée scénaristique tordue sur quoi on constate, après coup que repose tout le film et qui est révélée dans les derniers instants. Un peu comme dans Usual suspects, si l’on veut, un truc qui fait qu’on se remémore tout le film en se disant Bon Dieu, mais c’est bien sûr ! comme dans les antiques défuntes Cinq dernières minutes, alors même que le cerveau fait l’impasse sur des tas d’invraisemblances et d’anomalies qui, sous le coup de la déflagration révélatrice, ne tiennent pas vraiment la route.

Cette révélation finale fiche tout par terre par son caractère absolument artificiel. Elle m’a tellement agacé que je suis à deux doigts de la divulguer et il faut que je fasse appel à des trésors de charité chrétienne pour résister à la tentation ; on sent que le réalisateur, ayant trouvé son idée de génie en a fait pipi dans sa culotte de plaisir et a tourné son film dans un espèce d’état second orgasmique tout entier dirigé vers la surprise décontenancée et jouissive des spectateurs découvrant le fin mot de l’histoire, s’estimant alors très malins et glissant à leur voisin qu’ils avaient, de leur côté, tout compris depuis longtemps.

Bon. Je le dis, qui est Anthony Zimmer ? Ah ah ah ! C’est un escroc international poursuivi à la fois par les Douanes françaises et par la mafia russe. Comme il s’est fait refaire le visage, personne ne peut dire à qui il ressemble, même pas sa maîtresse, Chiara (Sophie Marceau) qui communique avec lui par le truchement des petites annonces du Herald tribune ; pour détourner les fauves qui le poursuivent Chiara brouille les pistes en choisissant au hasard, dans un TGV, un type anonyme, François Taillandier (Yvan Attal) qui, dès lors va amasser sur sa tête tous les orages possibles, se sortir par miracle de situations épouvantables, manquer être assassiné de cent façons, cavalcader pieds nus dans les rues de Nice, constituer en quelque sorte l’appât idéal.

Le thème du brave type dépassé par les événements qui s’en sort par un grand courage et – il faut le dire – une accumulation de coups de chances considérable, n’est pas rare au cinéma. Me revient en tête l’excellent Marathon man de John Schlesinger où, pareillement, Thomas Lévy (Dustin Hoffman) est le jouet, l’appât qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. On pourrait, dans un autre registre, citer aussi Paul Hackett (Griffin Dunne) dans After hours de Martin Scorsese. Et même Richard Walker (Harrison Ford) dans Frantic de Roman Polanski.

Et sûrement d’autres. Forcément entre de braves gens qui ne demandent rien à personne et nous, spectateurs, s’établit une certaine empathie tant nous pouvons facilement nous mettre à la place de ceux dans la vie de qui le bruit, la fureur et le sang font irruption sans prévenir.

Pendant que j’y suis, pour montrer l’incongruité mais aussi l’efficacité de ces situations pour l’agrément du cinéphage, je pourrais aussi citer, dans un registre plus léger et plus drôle, deux films où une créature de rêve – en fait une call-girl – paraît se jeter à la tête d’un quidam qui n’en revient pas : Mireille Darc dans Le téléphone rose d’Édouard MolinaroClio Goldsmith dans Le cadeau de Michel Lang, les deux fois au bénéfice (ou au détriment ?) de Pierre Mondy.

Voilà qui fait beaucoup de citations pour un film qui n’en demande pas tant.

 

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