Au feu les pompiers

Une grande nullité.

Il a été de bon ton de porter au pinacle ce qu’on appelait alors le socialisme à visage humain. Les billevesées humanistes, continuellement contredites par la réalité, cherchaient à s’incarner dans des utopies qui permettaient aux déçus du marxisme de ne pas trop renier leurs pulsions. Croire que le collectivisme pouvait, sous certaines conditions, aboutir à une société de bienveillance et d’harmonie continue d’ailleurs à empuantir la vie politique mondiale. Mais enfin, à l’époque (1967), les déçus du stalinisme pouvaient croire que ce qu’on allait appeler le Printemps de Prague, sous la conduite d’Alexandre Dubcek était une voie médiane et harmonieuse entre l’oppression communiste et l’anarchie capitaliste.

Milos Forman a bien rapidement choisi le camp de l’Oncle Sam, comprenant tout de suite qu’un des camps était plus confortable que l’autre. Mais auparavant il avait consciencieusement entrepris de démolir la société tchèque dans ce qu’elle pouvait avoir de plus routinier, de plus bureaucratique, de plus médiocre et de plus moche.

D’ailleurs tout est moche dans Au feu les pompiers : la fête traditionnelle des soldats du feu dans une sorte de salle municipale, la parcimonie, la mesquinerie des lots proposés à la tombola, la médiocrité des musiques. Plus encore la laideur des protagonistes : toutes les candidates – plutôt forcées – au concours de Miss qui permettra à la gagnante de remettre au Président d’honneur un trophée puéril, toutes sont grassouillettes et courtaudes, ou presque. Chairs pauvres, blanchâtres, boursouflées. Images de la médiocrité.

Le film tourne autour de cette festivité rituelle organisée par l’Amicale des sapeurs-pompiers ; un bal qui sent l’aisselle odoriférante, qui montre la cellulite envahissante et le regard graveleux des responsables de l’Amicale. Tout cela arrosé de grands verres de bière, de Pilsen Urquell dont tout le monde s’abreuve. Ça ne coûte pas trop cher et il n’y en a pas de pénurie, au contraire de tout le reste. Car la société communiste, c’est évidemment une société de pénurie, où chacun essaye de se débrouiller par de petites arsouilleries ; en volant les lots de la tombola, quels qu’ils soient, par exemple : tout ce qui peut être soutiré à la société est déjà ça de pris. Rien n’est plus désespérant, de plus désespéré que cette société abrutie par vingt ans (à l’époque) de collectivisme.

Il faut reconnaître à Milos Forman le talent de filmer avec une certaine exactitude, avec ce qu’on imagine être de l’exactitude, la médiocrité, la parcimonie, la mesquinerie. Gros plans sur des chairs pauvres, sur des trognes fleuries, sur des joues couperosées, sur des cuisses grasses, sur des visages boutonneux. On sent que ça pue et que ça rote.

Cela étant, où est l’intérêt ? On peut comprendre que, enchaîné dans la médiocrité socialiste, Forman ait voulu montrer ce que les Tchèques vivaient au quotidien, précisément. Mais, malgré sa petite durée (73 minutes), Au feu les pompiers est tout de même lourd d’ennui.

Un rôt après une choucroute aqueuse.

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