Beetlejuice

Accroche-toi au pinceau, je retire l’échelle !

Ce premier film du singulier Tim Burton passe pour une de ces œuvres-culte que beaucoup de ceux qui les découvrent citent à tout bout de champ. De fait, en 1988, lorsque Beetlejuice est sorti sur les écrans, on pouvait bien se rendre compte que le réalisateur avait en lui une cinglerie tout à fait particulière, originale et séduisante. Si les araignées ne sont pas rares dans les placards de beaucoup de cinéastes, toutes n’ont pas les couleurs mordorées de cette histoire échevelée de bienveillants fantômes. Histoire qui oscille constamment entre l’horreur et le comique, mais qui, à mes yeux, joue insuffisamment sur l’un ou l’autre.

On peut se régaler de décors originaux et fantasques, de couleurs violentes et agressives, de musiques amusantes et très bien adaptées à la situation où elles interviennent, d’acteurs bien distribués (au fait, vous ne trouvez pas que Juno (Sylvia Sidney) paraît être la jumelle, dégaine et voix, de notre Jeanne Moreau finissante ?) ; tout cela est à mettre au crédit de Tim Burton. Mais l’inconsistance de l’intrigue et des personnages représentés plombe le film à un point tel qu’on se prend à bâiller assez souvent, les morceaux de bravoure étant trop séparés par des plages bien étales.

Il ne s’agit pas de demander de la vraisemblance à une histoire de gentils spectres : en demande-t-on dans Fantôme à vendreSylvie et le fantôme,  L’aventure de Mrs Muir ? Mais il faut de la cohérence dans le propos, ce qui est autre chose, qui fait qu’une fois une situation absurde, a-normale est mise en scène, elle puisse se développer selon sa propre logique. Ce qui n’exclut pas de jouer sur des situations d’anomalie : ainsi dans Le bal des vampires le crucifix répulsif n’a-t-il pas de pouvoir sur l’aubergiste… parce qu’il est juif.

Dans Beetlejuice, cette cohérence est incertaine et même souvent malmenée. On pourra me dire que ça n’a pas d’importance, qu’il faut regarder le film comme une sorte de fantaisie scénique, avec des lacunes scénaristiques assumées, un peu comme le Rocky horror picture show, qui, de fait, est un assemblage de scènes souvent éclatées, sans lien logique les unes avec les autres. Je ne suis pas tellement certain que ce parti-pris corresponde à notre rationalité cartésienne ; je suis sûr, en revanche, qu’il segmente beaucoup trop le déroulement du récit pour en faire un simple récitatif (comme dans un opéra) entre deux grands airs.

J’y reviens : ces grands airs sont parfaitement réussis et par exemple le dîner que, sous la houlette de leur décorateur homosexuel décadent Otho (Glenn Shadix) donnent Charles (Jeffrey Jones) et Delia (Catherine O’Hara) Deetz à leurs amis snobs et où tous les convives se dandinent sur l’air de Day-O de Harry Belafonte. Ou la tentative de mariage qui lierait Bételgeuse (Michael Keaton) à l’adolescente qui se la joue gothique Lydia (Winona Ryder) cette fois sur l’air de Jump in the line du même Belafonte.

N’empêche que la virtuosité imaginative ne suffit pas à faire un film. Il y aura du mieux, ensuite, avec Mars attacks et Sleepy hollow.

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