Le placard

Boîte à outils.

On sentait déjà venir en 2001, au moment où Le placard est sorti sur les écrans, l’ombre terrifiante du pire politiquement correct, ce rideau sombre qui empêchera à l’avenir de confier à un Noir un rôle autre que celui de chef ou de président, à un infirme celui d’un sale type et à une obèse celui d’une souillon. Les minorités agissantes et glapissantes sont tellement parvenues à imposer leur doxa que le balancier discriminant de jadis s’est niché complétement dans l’autre sens et va y rester quelques décennies. Peut-être, sans doute, est-ce là une punition méritée pour ceux qui se sont, pendant longtemps, gaussé des négros, des estropiés et des grosses, mais c’est chèrement payé pour la qualité des œuvres.

L’habile Francis Veber est, dans Le placard, habilement parvenu à passer à travers les gouttes, à tout le moins à éviter les ravages de la pensée unique. Ainsi que l’a écrit (selon Wikipédia) un réputé critique des États-Unis, pays où la restriction créative est à son sommet, « Ce qui est si libérateur (dans le film) est son refus de marcher sur des œufs politiquement corrects. La cible de son humour vigoureux brusque est autant le politiquement correct exagéré et la panique qu’il peut engendrer que la bigoterie« . L’homosexualité assumée par Jean-Pierre Belone (Michel Aumont) n’est ni moquée, ni célébrée : elle est, simplement, comme une donnée qu’il n’y a ni à célébrer, ni à attaquer. Chacun se débrouille avec ce qu’il a touché dans son corbillon, à sa naissance et dans le déroulement de sa vie. Ni honte, ni fierté.

Et c’est donc en jouant sur la trouille majuscule et coincée de nos sociétés contemporaines que cet excellent voisin suggère à son voisin déprimé, François Pignon (Daniel Auteuil) de faire courir le bruit de son homosexualité dans la société qui l’emploie et souhaite le licencier et qui fabrique pourtant notamment des préservatifs (il faut avouer que ça, c’est un peu trop et que ça manque de subtilité). François Pignon donc, comme se nomment, chez Francis Veber, qu’il soit scénariste ou réalisateur, des personnages victimes sociales attendrissantes, naïves et complétement dépassées par ce qui leur par ce qui leur arrive : Jacques Brel dans L’emmerdeurPierre Richard dans Les compères et Les fugitifsJacques Villeret dans Le dîner de consGad Elmaleh dans La doublure.

Cela dit, une fois la situation posée, il faut aller à la ligne et dérouler un scénario. Le côté facile, quoiqu’il soit plaisant, consiste à disposer à côté de Pignon, des personnages, des caractères, au sens classique du terme, qui interagissent assez simplement avec la situation. Par exemple Kopel (Jean Rochefort), le patron de l’entreprise, totalement ondoyant au vent qui souffle ; on songe à son propos à ce que, dans Un taxi pour Tobrouk, François Gensac (Maurice Biraud) dit de son père, qui est alors à Vichy, ami de tous les pouvoirs, ouvert à tous les compromis, prêt à toutes les soumissions : Si les Chinois débarquaient, il se ferait mandarin, si les nègres prenaient le pouvoir, il se mettrait un os dans le nez, si les Grecs… Évidemment les deux manutentionnaires Ponce (Vincent Moscato) et Alba (Laurent Gamelon), aux carrures de déménageurs, qui se verraient bien casser du pédé. Et les collègues de Pignon, narquois et farceurs, Guillaume (Thierry Lhermitte), Matthieu (Edgar Givry) et Victor (Thierry Ashanti).

Je suis moins convaincu par la transformation en gay-friendly (et un peu davantage) de l’homophobe Félix Santini (Gérard Depardieu) ; on voit trop le procédé, issu du boulevard. Et que dire d’une autre mutation, celle de la supérieure de Pignon, mademoiselle Bertrand (Michèle Laroque), si hostile au début, si enflammée ensuite… Tout cela n’est pas bien grave : Francis Veber n’aspire à rien d’autre qu’à divertir.

Et, ce qui est un bien bon point, il y réussit souvent.

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