Cristeros

Vaincre ou mourir.

Curieux, non ? un film empli de héros farouches et romanesques, de beaux paysages exotiques, de dévouements et sacrifices magnifiques, de combats violents, réalisé avec de gros moyens et qui n’a connu, hors d’un cercle restreint, qu’une toute petite notoriété militante ? Pas si curieux que ça, finalement, surtout en regard de la date où il est sorti, il y a une dizaine d’années (2012). Reparaitrait-il aujourd’hui grâce au succès merveilleux et inattendu de Vaincre ou mourir où 300.000 spectateurs ont pu vivre l’épopée de François-Athanase de Charette et découvrir, s’il en était besoin, la réalité du génocide vendéen, Cristeros aurait peut-être quelque chance d’émouvoir et de troubler les spectateurs. Et surtout d’être distribué dans un bon éventail de salles parisiennes et provinciales.

En 1917, après le conflit féroce pour le Pouvoir entre les fameux Pancho Villa et Emiliano Zapata est proclamée au Mexique une Constitution singulière à interprétation bizarre. En 1926 le président franc-maçon Plutarco Calles (Rubén Blades) fait appliquer plus strictement les mesures antireligieuses déjà fort rigides de cette Constitution ; c’est encore pire qu’en France en 1905 : expulsion des prêtres étrangers, interdiction pour tous les ecclésiastiques de porter l’habit ordinal puis de célébrer la messe, haineuses mesures contre toute pratique religieuse, profanation des églises et des lieux sacrés : ce qu’on a vu en France pendant la Terreur, en Espagne aux premiers mois du Frente popular : la persécution.

La grande majorité de la population mexicaine est indignée, scandalisée par des profanations constantes et très vite se crée une Ligue de défense de la liberté religieuse. Toute la question est de savoir, pour les chrétiens, s’ils vont entrer dans une rébellion armée ou user de tous les artifices règlementaires (les textes, les pétitions, les manifestations) pour conserver leurs prérogatives et leur fierté d’être ce qu’ils sont. C’est sans doute là que Cristeros manque un peu de qualité : on est bien conscient des tracas et cas de conscience qui vont se présenter à tous ces hommes si différents : bourgeois tranquilles, prêtres persécutés, gens de la rue fervents et décidés : il faut organiser tout cela, créer une armée capable de lutter contre les fédérales du président Calles ; président qui voit monter l’exaspération contre des mesures de plus en plus violentes et impopulaires.

La guerre des Cristeros s’apparente davantage, au plan stratégique, à celle menée par les Chouans en Bretagne ou en Normandie qu’à celle des Vendéens, du Maine, de l’Anjou, du Poitou : ce n’est pas une levée en masse qui va livrer, sur le terrain, des batailles rangées : c’est une guerre d’embuscades, de coups fourrés, de coups de mains, âpre, violente, cruelle, où les adversaires ne se font pas merci : chacun a en soi le souvenir d’épouvantes commises par l’ennemi sur les siens : on se venge, on se rend coup pour coup: c’est le propre, hélas, de toutes les guerres civiles où l’on sait bien pourquoi on veut tuer l’autre…

 Les Vendéens, conscients de leur insuffisance militaire, sont souvent allés chercher – quelquefois vigoureusement – leurs seigneurs pour les diriger : Lescure, La Rochejaquelein, Sapinaud, Royrand et avant tout Charette. Et de la même façon les Cristeros vont aller demander au plus prestigieux des stratèges mexicains de se mettre à leur tête : Enrique Gorostieta Velarde (Andy Garcia), médiocre chrétien désormais opulent qui ne détesterait pas de laisser passer l’orage mais qui s’ennuie pourtant de fabriquer bourgeoisement des gâteaux. Qui ne se laisse décider presque à contre-cœur, sans bien d’enthousiasme pour la Cause.

Et pourtant le discours que tient le général Enrique Gorostieta avant un combat décisif a bien des liens avec celui de Charette. Le voilà : La liberté, c’est notre foyer, nos maisons, nos femmes, notre Foi, la liberté c’est nos vies. Nous ne faisons que notre devoir en les défendant ! Et voici celui du Vendéen : Notre patrie à nous, c’est nos villages, nos autels, nos tombeaux, tout ce que nos Pères ont aimé avant nous. Notre patrie, c’est notre Foi, notre terre, notre Roi. Vous trouvez des différences, vous ? Vous avez bien de la chance !

Toute l’histoire est là, brutale, cruelle, sanglante – parce que dans ce pays-là, si marqué par la cruauté aztèque et la fascination des cœurs palpitants rien n’est doux – ; il y a des morts, des tueries, des massacres. N’empêche que les Cristeros ont gagné : bien qu’entre 1926 et 1934, au moins 4000 prêtres aient été tués ou expulsés, les lois antireligieuses scélérates ont pris fin.

25 martyrs ont été canonisés par Saint Jean-Paul II en 2000, 13 ont été béatifiés par Benoît XVI en 2005, dont le jeune José Sanchez (le petit Joselito/Mauricio Kuri du film), fusillé à l’âge de 15 ans.

Cela étant, on ne peut pas dire que le Mexique se porte aujourd’hui si bien que ça. Si loin de Dieu, si près des États-Unis, comme on a dit. Le poison de la drogue a remplacé la haine du christianisme. Et celui-là, comment en venir à bout ?

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