Docteur Jivago

Trop étasunien.

Je n’avais pas vu le film depuis sa sortie en France, en 1966 ; malgré des réticences, j’y avais été traîné par une petite amie qui commençait à me lasser sérieusement (en fait, que je ne supportais plus), ce qui m’avait naturellement entraîné à dévaloriser ce que j’avais vu, reportant sur Docteur Jivago une hargne et un ennui injustifiés.

Ces considérations aussi personnelles qu’oiseuses faites, que dire aujourd’hui d’une œuvre que je persiste à trouver trop longue, bien que je ne m’y sois pas une minute ennuyé, durant cette après-midi pluvieuse ?

 

Les cinq Oscars qu’il remporta (Oscars mineurs, il est vrai) me semblent tout de même bien mérités : c’est de la belle ouvrage, bâtie à coup de décors exceptionnels, d’acteurs de grande qualité, de paysages impressionnants, de sang, de bruit et de fureur, au service d’un récit très maîtrisé, d’un romanesque absolu, d’un grand lyrisme désespéré (qui, toutefois, confine de temps en temps à l’emphatique).

Je n’ai pas lu le roman de Boris Pasternak mais j’imagine pourtant que ce livre foisonnant, grave et tragique devait être sacrément difficile à adapter ; je crains toutefois que le côté profondément russe de Docteur Jivago ait été un peu accommodé à une sauce américaine, de grande qualité, certes, mais tellement éloignée de l’âme slave…

Premières minutes du film : sur un fond fixe, une Ouverture dont la musique mêle adroitement le thème de l’hymne impérial (qui est de Glinka, je crois) et des chants révolutionnaires. Au milieu du film, il y a une Intermission, un entracte qui scande les deux parties du film. J’ai irrésistiblement pensé, bien que le procédé ne soit pas extrêmement rare, à mon cher Autant en emporte le vent, lui aussi précédé et ponctué de pauses musicales.

Et, en y réfléchissant un peu, je me demande s’il n’y a pas un lien fort entre ces deux films, situés l’un et l’autre pendant des guerres civiles (qui sont évidemment les plus dramatiques, puisque les repères y sont à la fois évidents et troubles) et relatant des histoires amoureuses compliquées et douloureuses. Et plus j’y songe, plus les rapports me semblent naturels… Maintenant autant les blessures de la Guerre de Sécession exposées par Margaret Mitchell et filmées par Victor Fleming me paraissent conformes au génie et à l’esprit des États-Unis d’Amérique, autant la singularité slave explorée par Hollywood me laisse plus perplexe…

Qu’est-ce que ce serait intéressant si Nikita Mikhalkov, dont Soleil trompeur et Le barbier de Sibérie montrent l’éternité et l’unité de l’outrance, de la violence et de la séduction russes se plongeait dans un remake de Docteur Jivago qui, j’en suis persuadé, nous ferait vivre tout à fait autre chose que le bon film de David Lean !

 

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