Dracula

Un film boursouflé, prétentieux

Saisi de temps à autre d’une crise existentielle et de scrupules éthiques, je m’astreins à revoir des films qu’à la première vision je n’ai pas appréciés (ainsi les Godard !) ; je suis bien obligé d’admettre que ça marche rarement et que mes détestations de jadis et naguère, que mes réticences initiales se trouvent à peu près toujours confortées…

Fervent amateur des mythes vampiriques et du personnage inspiré par Vlad Teppes l’Empaleur (du magnifique Cauchemar de Dracula au foutraque Du sang pour Dracula), j’étais naturellement allé voir en 1993 le film de Coppola, m’appuyant sur la qualité du réalisateur et les moyens mis au service de l’adaptation ; et ab initio, l’affiche, extrêmement réussie, me prédisposait plutôt bien…

Et, comme beaucoup, j’avais trouvé ce gros machin excentrique et excité, lourdingue, décoratif et finalement ennuyeux : ça n’a pas la moindre épaisseur !, me disais-je en sortant de la salle.

Et bien revu hier en DVD, je n’ai pas changé d’avis, accordant seulement un point de plus et faisant passer ma note de 1 à 2 ; c’est toujours aussi mal construit, agressivement sexuel (c’est-à-dire fort peu érotique, malgré la beauté des femmes, dont la débutante Monica Bellucci parmi les goules) ; c’est toujours filmé avec hystérie, par une caméra qui semble frénétique et c’est plein de facilités, comme une ribambelle de fondus sur la pupille d’un des protagonistes qui s’ouvrent ensuite sur une serrure, ou l’entrée d’un tunnel, ou un soleil couchant (et le procédé, répété, lasse et finit par faire rire : sur quoi l’œil va-t-il s’ouvrir cette fois ?) ; et puis, naturellement, pour l’amateur du sublime roman de Bram Stoker, cette tentative de rédemption du personnage du Comte, ce côté L’amour ne meurt jamais et la fascination, au delà des siècles des deux époux séparés, est d’un melliflu assuré, profondément gnangnan et consensuel…

Alors, pourquoi augmenter ma note ? Pour quelques riens qui surnagent au milieu du naufrage d’un film tourné avec d’énormes moyens, bien éloignés des trois sous que mettait la Hammer dans ses réalisations… Pour le jardin de topiaires (hommage à Shining ?) battu par le vent et la pluie où Lucy Westenra court dans la nuit vers le monstre (mais ce viol par une Bête, que c’est de mauvais goût !)… Pour quelques plans sidérants du château de Valachie, pour quelques beaux décors…

Film sans distinction ni raffinement, là où il en faut d’intenses brassées, ça ne vaut pas plus que de l’oubli…

Que c’est mince !

15 février 2009

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Avec une obstination qui frise le déni de réalité, j’ai regardé une nouvelle fois hier ce Dracula que je ne parviens pas à enterrer (image ô combien hardie !) dans mon cimetière personnel. Il est vrai qu’on était au lendemain du Jour des Morts, ce qui prédisposait à la gageure.

Mêmes réticences à l’égard du film que celles déjà manifestées : maniérisme, boursouflure, tics de réalisation (en fait les fondus dont je m’étais moqué dans mon message de 2009 ne partent pas tous d’un œil : mais d’une ocelle de paon, des deux morsures du cou de Lucy, d’un cercle de feu pour aboutir sur une sortie de tunnel, des prunelles de loup, d’une pleine lune : n’empêche que c’est vraiment du procédé !).

Mêmes critiques sur la sexualisation explicite du récit, que Coppola a sûrement voulu relier aux frustrations de la société victorienne et que l’on met sous le nez du spectateur de façon bien voyante, et quelquefois même graveleuse. D’ailleurs quand le réalisateur se veut allusif, il chausse des sabots de sept lieues : ainsi lorsque Lucy succombe à la morsure orgasmique du vampire les fleurs de sa chambre se fanent en un clin d’œil : métaphore enfantine de la perte de la virginité : c’est bien simple : on se croirait chez ce puritain d’Hitchcock !).

Je ne méconnais pas certaines qualités décoratives du premier tiers du film, celui qui se passe dans l’effrayant château des Carpates, même si j’y vois quelquefois des symbolismes un peu lourds, des yeux menaçants dans le ciel rouge lors de l’arrivée de Jonathan en Transylvanie, des ombres chinoises terrifiantes lors de l’entretien du comte avec le jeune homme… Mais enfin le château est remarquablement effrayant, la dégaine du vampire est baroque et somptueuse, quelques jeux de scène sont appropriés (le comte léchant le sang du rasoir avec quoi Jonathan vient de se couper).

Mais dès qu’on va en Angleterre tout se gâte et le décoratif n’est que décoratif. Les effets spéciaux prennent une part grandissante dans le déroulement du film et l’on tombe dans la banalité friquée d’un film d’horreur à gros budget.

Et puis je confirme qu’à mes yeux l’histoire est terriblement lourdingue et niaise. Je me demande, d’ailleurs, s’il ne faut pas dater de ce Dracula-là un changement d’orientation envers les vampires. Désormais la créature de la nuit est davantage représentée comme une sorte de victime d’une malédiction dont il est à peine responsable et jamais coupable (un virus, un sorcier fou, une fatalité transcendante) et non comme un instrument diabolique, une créature des ténèbres, liée à Satan par un pacte monstrueux. Même si dans le film de Coppola Vlad Dracul, guerrier cruel mais héroïque a bien fait alliance avec le Malin, c’est à la suite du rejet par l’Église du pauvre corps de sa femme chérie suicidée : il est donc, fondamentalement une victime.

Voilà qui est bien agaçant. On ne peut même plus compter sur l’horreur grandiose des Maudits, désormais…

 

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