El Dorado

Ça manque d’espace.

Je lis ici et là que El Dorado est plus qu’un remake, une variation sur le même thème que Rio Bravo. De fait on y retrouve les mêmes histoires de vendettas boueuses et bouseuses et les mêmes personnages taillés à la serpe, sans complexité ni ambiguïtés, chevaleresques à qui mieux mieux, comme dans des chansons de geste. Fallait-il que le Nouveau Monde, quand il créait ses légendes et construisait son identité passât par les mêmes ennuyeuses litanies sommaires ? C’est possible.

En tout cas El Dorado passe un peu mieux l’écran que son film prédécesseur et inspirateur, grâce à l’insertion, ici et là, de quelques paysages photogéniques (mais au début ; ensuite, comme dans Rio Bravo on est confiné dans les trois ou quatre ruelles du patelin), à une intrigue un peu plus étoffée, à quelques propos qui ne manquent pas d’humour (Mitchum qui tente de se décrasser au milieu du tohu-bohu : La prochaine fois que je voudrai prendre un bain tranquille, j’irai dans un hall de gare !) et à la beauté des deux personnages féminins, Maud (Charlene Holt), la fille galante du coin et Joey (Michele Carey), l’intrépide fermière.

Et puis il y a désormais un peu plus de sauvagerie – c’est-à-dire de réalisme – dans le cours du récit ; déjà, par exemple, le meurtre malencontreux, presque accidentel du jeune Luke McDonald (Johnny Crawford) par l’honnête, loyal, valeureux, mercenaire Cole Thornton (John Wayne) ; puis l’excellente idée de la balle tirée par Joey, la sœur du pauvre Luke, en vengeance, balle qui s’est logée à deux doigts de la colonne vertébrale et paralyse périodiquement et inopinément le solide tueur à gages.

Assez jolie idée cruelle aussi cette scène où le même Thornton pousse deux acolytes de son ennemi et concurrent Nelse McLeod (Christopher George) vers une mort certaine en leur tirant dessus et en les faisant sortir les premiers vers la porte où il est lui-même guetté. Je ne dis rien du massacre final, véritable bouillie humaine dont on ne parvient pas à compter les cadavres. On sent que bientôt le western italien avec les mentons mal rasés, la crasse, la puanteur et le sadisme de ses protagonistes va ringardiser pour un bon moment son aîné étasunien.

En revanche apparaissent comme des ponts-aux-ânes presque obligés à la fois l’abrutissement alcoolique du shérif Jimmy Harrah (Robert Mitchum) – naturellement finalement rédimé -, les gagateries ronchonnes de son vieil adjoint, Bugle (Arthur Hunnicutt) et les trépidations juvéniles du blanc-bec Mississippi (James Caan).

Tout cela est d’un classicisme éprouvé et finalement assez lassant. J’ai d’ailleurs l’impression – comme souvent, il est vrai – que Howard Hawks a tiré sans scrupule à la ligne dans un film qui dépasse tout de même les deux heures pour un sujet bien mince, moins guindé toutefois que Rio Bravo. Ainsi cette interminable séquence nocturne de bataille, heureusement un peu égayée par le tintement des cloches de l’église qui résonnent sous les balles.

N’empêche que lorsque je songerai à Hawks je retournerai bien davantage vers ses films d’Afrique, La terre des pharaons et surtout Hatari ! : la vieille terre originelle me semble correspondre beaucoup mieux à son intelligente complexité.

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