Fantasia chez les ploucs

Au dessous de zéro.

Non, non, c’est épouvantable, c’est affligeant, c’est minable, c’est ridicule, c’est pitoyable. C’est même indécent. Et quand j’écris cela, ce n’est évidemment pas pour critiquer la tenue minimale de Mireille Darc, qui ne l’est d’ailleurs pas tant que cela et qu’on aurait au contraire aimé admirer plus souvent et plus franchement. Car montrer une strip-teaseuse déshabillée, ce n’est tout de même pas un exploit et exhiber le corps de la délicieuse Mireille, ça n’a jamais été rare. Tous les amateurs de beautés vives, souriantes, gracieuses, gaies, intelligentes, narquoises, appétissantes et des tas d’autres choses encore me comprendront.

Comme ils comprendront qu’un film comptant à son générique non seulement la délicieuse Mireille, mais aussi deux des plus grands acteurs des années 70, Lino Ventura et Jean Yanne a pu attirer l’attention du cinéphage compulsif.

Et puis ? Et puis rien. Ou plutôt l’accablement devant cette nullité d’une grande vulgarité, d’une parfaite insignifiance. Peut-être pour le maigre talent de Gérard Pirès était-il trop compliqué de traduire au cinéma l’assez grandiose outrance du roman de Charles Williams, dont, pour une fois, le titre français est bien plus éclatant que le maigre titre étasunien, The diamond bikini. Parce que, pour faire éclater les cadres, pour agglomérer le public dans la goguenardise, pour se moquer de tout et de tous, il faut bien plus de talent que Pirès n’en a jamais eu.

Un roman dont l’intrigue n’a aucune importance mais qui fulgure par le style, les jeux de mots, les dialogues sarcastiques, c’est, il est vrai, assez difficile à mettre en images. Ce qu’on peut supporter dans l’excès, dans l’outrance, dans la bouffissure n’est pas si facile que ça à traduire : on peut tomber dans le grotesque, l’accablant, le minable avec une grande facilité. Et Gérard Pirès tombe là-dedans plus souvent qu’à son tour. Exigences des coproductions internationales qui obligent à mélanger de solides acteurs français avec des utilités cosmopolites ? C’est possible ; comment pour autant ne pas être agacé, voire effondré par les prestations ridicules de Nanni Loy, qui interprète l’élégant et taciturne gangster qui a mis en coupe réglée Caroline Harrington dite Tchoo-Tchoo (Mireille Darc) ? Et plus encore par les interventions de l’histrion Luigi Bonos, un shérif éructant, glapissant, accablant ?

On ne peut pas dire que Lino Ventura et Jean Yanne qui incarnent les deux frères Noonan, Sagamore et Doc soient mauvais, ni que Mireille Darc n’offre pas au spectateur le minimum (hihihi !) ; mais d’autres acteurs de qualité se trouvent ridiculisés, comme Jacques Dufilho – l’oncle Noé, qui construit stupidement son arche) – ou les deux policiers Smith (Georges Beller) et Wesson (Rufus) ; Smith et Wesson, vous avez bien compris l’astuce, n’est-ce pas ?

J’ai peine à écrire sur ce monument d’inanité, construit avec des cascades inutiles, des bagnoles qui s’écrasent les unes sur les autres ou dégringolent dans des ravins, des explosions aussi incompréhensibles que ressassées. Et puis malgré sa brève durée (1h20), le film est interminable, languissant, bâti sans rythme ni vivacité. Les vingt ou trente dernières minutes sont insupportables, incompréhensibles, accablantes de bêtise et de nullité.

Film pitoyable. On se lamente avec quelque raison sur l’état du cinéma des vingt premières années de notre siècle. Mais il ne faut pas rêver : il y a toujours eu une quantité invraisemblable de conneries nullissimes proposées aux grands écrans. Et qui ont, bien sûr, trouvé leur public. La médiocrité humaine est un abîme.

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