Faubourg 36

Ne va pas jouer dans la cour des grands !

Christophe Barratier est le neveu de Jacques Perrin, ce qui n’est évidemment pas un reproche. Bien loin de là. Je pense même qu’il a puisé chez son oncle, auteur et narrateur des merveilleux Enfants de Lumière qui est un hommage virevoltant et délicieux au cinéma français, qu’il a puisé, donc, révérence et amour pour les films de l’âge d’or. Les choristes, avec Gérard Jugnot qui, voguant sur la vague rétro et la nostalgie des histoires simples et pures, ont connu un succès tonitruant, n’étaient pourtant que le pâle remake de la charmante Cage aux rossignols de Jean Dréville avec Noël-NoëlBarratier a voulu refaire le coup en réalisant Faubourg 36, picorant ici et là des bribes mal digérées, notamment de La belle équipe, mais aussi du Crime de Monsieur Lange et même de Quai des Orfèvres.

Mais là, ça ne marche pas du tout et ça débouche sur un onctueusement gras pathos humaniste, lardé de bons sentiments et d’orientations politiquement correctes, qui se déroule aux temps du Front populaire, présenté à la fois comme un moment quasi paradisiaque de fraternités diverses et une époque où s’accumulent en France les nuages noirs (j’entends par là que les nuages noirs – et même plus que noirs, comme aurait pu dire Coluche – s’accumulaient bien, mais de l’autre côté du Rhin, ce dont se fichaient éperdument Léon Blum et sa clique). Lorsqu’on voit le machiniste Milou Leibovich, se prétendant Ancien de l’Armée rouge (alors qu’il n’a pas 40 ans dans le film !!!) venir prêcher la grève dans une blanchisserie, on se dit que les auteurs n’ont pas dû avoir le moindre conseiller historique, ou plutôt s’être tamponné le coquillart de la véracité.

Déjà disons que Faubourg 36 est tristement, médiocrement filmé, dans des décors bâtis par de sordides effets numériques dont on voit d’emblée la fausseté. Comment faisait Alexandre Trauner pour rebâtir en studio le canal d’Hôtel du Nord, l’immeuble d’angle du Jour se lève, les gazomètres des Portes de la nuit en donnant à ces sites-là un air d’authenticité impeccable ? Et comment de petits messieurs modernes ne parviennent-ils pas à donner en 2008 une image acceptable du Paris populaire ? Et puis Christophe Barratier a les mêmes tics que presque tous les cinéastes d’aujourd’hui : les caméras paraissent ivres, swinguant sans cesse entre les gros plans, dévalant à toute allure des escaliers, zoomant sans la moindre nécessité, se lançant dans des panoramiques idiots et surtout inutiles…

Venons en à l’anecdote, qui est d’une grande banalité (ce qui n’est pas, en, soi, grave, puisque la plupart des vies sont empreintes de banalité, ce qui est heureux) mais qui est, surtout terriblement prévisible. Le brave Germain Pigoil (Gérard Jugnot), machiniste et ravi de l’être dans un petit music-hall de faubourg, à force d’avoir une tête de cocu, s’aperçoit qu’il l’est amplement. Il demeure seul avec son petit garçon Jojo (Maxence Perrin) lorsque sa gourgandine Viviane (Élisabeth Vitali) le quitte. Et, manque de pot, le beuglant fait faillite, à cause notamment d’une sale affaire de spéculation immobilière menée par l’infâme Galapiat (Bernard-Pierre Donnadieu), homme de mains – qui plus est ! – d’une méchante ligue fascisante.

Que voudriez-vous qu’il fasse ? Qu’il reprenne, aidé de braves couillons d’amis, notamment d’un imitateur sans talent, Jacky Jacquet (Kad Merad), la direction du boui-boui, dans un grand élan d’économie sociale et solidaire. et que, malgré bien des vicissitudes, il se retrouve, in finecomblé par la confiance de ses amis et le talent des interprètes qu’il aura dégottés, notamment Douce (Nora Arnezeder), qui a un joli sourire et un petit, tout petit filet de voix qu’on ne cesse d’entendre couler.

Ce n’est pas un film qui vaille qu’on s’en indigne, assurément. Mais une telle médiocrité, avec quelques bons acteurs (Jugnot], bien sûr, mais aussi Donnadieu), c’est assez inouï.

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