Guerre et Paix

Et la neige a tout emporté…

C’est tout de même bien long, ces 3 heures 20 de spectacle, même si les images sont belles et Audrey Hepburn adorable ; je me demande s’il ne vaut pas mieux regarder, précisément, l’adaptation de Sergueï Bondartchouk qui dure exactement le double de temps (6 heures 4O) mais qui, découpée en quatre épisodes, est plus appropriée, sans doute, à une mesure raisonnable des choses. Du moins si l’on peut qualifier de raisonnable le foisonnement torrentueux de l’œuvre de Léon Tolstoï (plus de 1500 pages en Pléiade !) et, d’une façon générale, tout ce qui peut toucher la Russie et les Russes.

Toujours est-il qu’il ne manque pas un bouton de guêtre, pas une soutache, pas une soubreveste, pas une passementerie sur des dolmans chamarrés, que la vodka coule à flots lorsque c’est le moment de la servir, et que le champagne le remplace de temps à autre, que les moujiks sont rieurs, soumis et ivrognes, les grands seigneurs complètement cinglés, violents, intrépides et cruels, que l’on s’embrasse dans de grands émois démonstratifs, que les palais sont immenses et glaciaires, les cœurs rudes et les sentiments démesurés…

Ce film, produit par les roublards Italo-Américains Carlo Ponti et Dino De Laurentiis, agrémenté d’une distribution internationale, certes à dominante étasunienne (les grandes stars Fonda, Ferrer, Hepburn) mais puisant ici et là en Mitteleuropa (Herbert Lom, Oskar Homolka, prodigieux Généralissime Koutouzov) ou en Italie (Vittorio Gassman, Tullio Carminati) ou absolument n’importe où (Anita Ekberg), ce film, donc, tourné, qui plus est, en pleine Guerre froide (1956) donne de la Russie la même image folle que des œuvres de Slaves (il y a bien des parentés à trouver avec les comportements décrits dans Le barbier de Sibérie de Nikita Mikhalkov) ; mais il est vrai que je m’arrête sans doute à l’écume des choses, presque à une caricature des outrances d’un pays gigantesque et glacé.

En tout cas c’est bien fait, même si la somptuosité de certains décors laisse deviner le carton-pâte et si certains paysages de neige, lors de la retraite des troupes de Napoléon sentent le studio ; en revanche les costumes sont absolument sublimes, la musique de Nino Rota entrecroise deux valses, l’une brillante, l’autre plus nostalgique,et les acteurs sont aussi excellents qu’on l’attendait d’une superproduction hollywoodienne de la grande époque.

 

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