Incendies

L’Orient compliqué.
Le film est en partie inspiré du parcours de la militante communiste libanaise Souha Bechara qui, née dans une famille de culture chrétienne orthodoxe mais dont le père était un actif marxiste (la chose n’est pas rare dans ces contrées compliquées) devint dès son adolescence une pasionaria pro-palestinienne. Elle essaya, à ce titre, d’assassiner le général maronite Antoine Lahd qui contrôlait le sud du pays avec le concours d’Israël contre le Hezbollah chiite. Il faut dire que si on ne s’intéresse pas un minimum à la situation brûlante et sanglante du Proche-Orient, et singulièrement à celle du Liban, on perd beaucoup de la substance d’Incendies.

Au delà de la réalité des aventures de Souha Bechara, il y a une pièce de théâtre écrite par le Libano-Québécois Wajdi Mouawad qui s’appuie sur l’histoire, mais la dramatise, la noircit, l’assombrit encore, lui donne un tour encore plus dramatique, au risque de la mélodramatiser. Et le réalisateur Denis Villeneuve tire un film de cette pièce, avec tous les risques et les imperfections inhérents à l’exercice. Parce que ce qui peut s’admettre et se comprendre sur une scène est plus difficile à accepter sur un écran.

Parce que quel que soit le talent de Denis Villeneuve, à trop suivre la composition très éclatée – et sans doute un peu confuse – de la pièce, ses constants retours en arrière, on est quelquefois un peu perdu, la structure narrative étant aussi complexe que l’anecdote relatée.

Deux jeunes gens confortablement installés au Québec, deux jumeaux à la physionomie un peu butée, Jeanne (Mélissa Désormeaux-Poulin) et Simon Marwan (Maxim Gaudette) reçoivent du notaire Jean Lebel (Rémy Girard) le testament de leur mère Nawal (Lubna Azabal) et l’étrange mission de remettre l’un à leur père, l’autre à leur frère, une lettre à la suite de quoi, mission accomplie, ils recevront le dernier message de leur mère.

Commence alors une sorte de jeu de piste et, si on peut dire, de course au trésor où Jeanne quitte le Canada pour le Liban. Une Jeanne inquiète, dévastée même qui découvre un pays ravagé par les guerres civiles, les haines religieuses (davantage tribales encore que religieuses), les non-dits et les secrets qui font la structure des conflits intestins, toute la boue que personne n’a intérêt à voir mise à l’air. Et que, naturellement, elle doit soulever pour retrouver son père et son frère, l’un et l’autre perdus dans les ressauts de la sauvagerie et de la guerre civile, disparus et seulement retrouvables à la suite de longs chemins taciturnes où on n’arrache qu’avec difficulté, ici et là, un indice ou un renseignement.

Mener une enquête presque policière dans un pays où les moindres souvenirs font partie du misérable petit tas de secrets évoqué par le Président François Mitterrand c’est être assuré de voir des visages se fermer et des colères furieuses éclater.

Je ne sais pas si le twist final du film, qui est glaçant, mais prévisible, me satisfait. Je le trouve trop odieux et trop mélodramatique. À part un coup de massue qui s’abat sur le spectateur un peu naïf, je n’en vois pas l’intérêt. Mais le film qui met sous les yeux une réalité dont on parle beaucoup en Occident mais qu’on ne voit guère, n’est pas mal du tout. Et pourtant bien loin de la glaçante et merveilleuse Valse avec Bachir d’Ari Folman en 2003, qui me semple insurpassable.

 

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