Jusqu’à la garde

D’amour et d’eau fraîche.

Ma foi ! Je dirais volontiers que l’attribution des colifichets et des bimbeloteries des Césars et toutes les polémiques qui accompagnent ce rituel essoufflé n’ont vraiment aucune importance. Je n’avais pas souvenir que Jusqu’à la garde eût obtenu la récompense suprême de meilleur film et quelques récompenses adventices (dont celui de la meilleure actrice) en 2019. Il me semble que, jusqu’à voir le film en DVD je n’avais jamais entendu parler de son réalisateur, Xavier Legrand, ni de son actrice principale, Léa Drucker, que je pensais fille de Michel Drucker et sœur de Marie Drucker (mais ce n’est pas ça du tout).

Vous ne devriez pas ainsi vous prévaloir de votre incompétence et de vos multiples ignorances !, allez-vous me dire si vous avez la faiblesse de me lire. Ce à quoi je répondrai que je ne me pare nullement de mes carences mais que je suis bien obligé de les constater, que j’ai même un peu honte de les exposer mais que je dois à la vérité de ne pas les dissimuler.

Venant, juste avant d’écrire ce qui précède de découvrir que Jusqu’à la garde bénéficiait d’une renommée très au delà de ce que j’imaginais (et que je suis désormais confus d’avoir ignoré – restons-en là !), j’avais regardé le film sans prévention ni attirance particulière. Après que le mot Fin était apparu sur mon écran, je m’étais dit que l’histoire contée était un de ces sujets de société dont la télévision raffole et que le film réapparaîtrait quelque jour sur la chaîne TF1, qui sait, mieux que n’importe quelle autre, émouvoir les cœurs de la France profonde et de tous les braves gens qui la composent. Un couple qui s’est déchiré avec une grande violence et irrémédiablement, des enfants qui se sont trouvés placés au milieu des coulées de lave que les volcans déversent sans arrêt, des grands-parents qui ne savent pas comment ils pourraient redresser la barre, des visages butés, des tensions qui ne font que monter jusqu’au bouillonnement.

Il me semble qu’on a vu ça dix fois, vingt fois. C’est le reflet d’une grande exactitude de ce qui se passe dans bon nombre de familles et de couples d’aujourd’hui : on s’est aimé, on a fait deux enfants et au bout de vingt ans – ou à peu près, l’aînée, Joséphine (Mathilde Auneveux) a presque 18 ans – on en est arrivé au point de non-retour, on ne se supporte plus. La responsabilité, dans le film, incombe avant tout au père, semble-t-il, violent, autoritaire, peut-être trop fermé, mais on aimerait avoir un regard un peu plus nuancé, un peu plus subtil. Parce qu’il n’est dit nulle part que le père, Antoine Besson (Denis Ménochet) est alcoolique, bambocheur, paresseux, coureur de donzelles et que le refus de ses deux mioches, Joséphine, donc et le plus jeune Julien (Thomas Gioria) de le revoir est vraiment justifié. La chose paraît si évidente, si entendue qu’on se dit qu’on a là affaire à un de ces films militants qui opposent à la sainte innocence des femmes l’intrinsèque malfaisance des hommes.

Donc la radiographie de notre monde contemporain se poursuit ; le Juge aux affaires familiales (Saadia Bentaïeb) prononce une ordonnance de garde alternée pour Julien qui va donc devoir passer une semaine sur deux avec un père dont il a peur. Il ne serait pas absurde de demeurer sur des notes amères, un peu ennuyeuses mais terriblement réalistes, les mesquineries d’horaires, mais aussi les négociations entre les parents pour essayer d’arranger les semaines de garde au bénéfice des enfants, de façon que les événements qui tombent mal, dans la semaine de l’un, puissent être vécus par un échange avec la semaine de l’autre. Mais il faut bien introduire un élément dramatique pour sortir de la grisaille. Et c’est une explosion finale (qui ne va pas jusqu’à trop mal se terminer, néanmoins).

Ce n’est pas un film dégradant ou ridicule, assurément mais on est pourtant un peu affligé que ce soit ce genre de sujet, si convenablement traité soit-il, qui fasse les choux gras du cinéma français.

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