La chambre verte

Ennuyeux comme une agonie.

Il y a longtemps qu’on sait que François Truffaut a fait alterner, dans sa longue filmographie, le meilleur et le pire. À côté des réussites éclatantes des Quatre cents coups, de La peau douce, de Baisers volés,voire de La nuit américaine ou de Vivement dimanche !, il y a des trucs absolument incongrus, ennuyeux, ridicules. Jusqu’à présent, je classais au sommet de ces ratages Jules et Jim (film pourtant adulé par beaucoup) ou Fahrenheit 451. Je ne pensais pas que le docte imprécateur des Cahiers du cinéma pouvait faire pire. Voilà que je suis parvenu au fin fond du bric-à-brac : La chambre verte. Mais quelle purge !

Un tout petit extrait inclus dans les merveilleux Enfants de Lumière, pieux film de montage de Jacques Perrin avait pourtant retenu mon intérêt : Julien Davenne (Truffautacteur), l’œil halluciné capté dans un jeu de miroirs, s’adressant à Julie, sa femme disparue. Ni les tutoiements insensés avec la mort, ni l’oppression des monomanies, ni la trouble atmosphère des pièces secrètes vouées à une sorte de culte obsédant ne sont choses à repousser ma curiosité de spectateur, bien au contraire. J’avais donc plutôt une prévention favorable.

Mais j’ai tout de suite déchanté. Et cela, malgré l’intérêt représenté, pour le sujet particulier, par la période filmée : 10 ans après la Grande guerre, c’est un moment où on est bien loin d’avoir mis de côté, malgré la fausse effervescence et l’ivresse des Années folles (où on s’est efforcé d’oublier), où on est bien loin d’avoir mis de côté, donc, l’omniprésence de la Mort, celle qui avec son million et demi de victimes (à quoi il faut ajouter les 200.000 frappés par la grippe espagnole) a stupéfié, abasourdi, sidéré durablement toute la société française. On n’imagine pas aujourd’hui ce qu’ont pu être les rues de notre pays emplies de veuves à longs voiles noirs, d’orphelins médusés… et d’infirmes estropiés. Mort omniprésente, tentaculaire, bien plus familière et constante qu’en des moments où tout est fait pour en effacer les traces dans l’espace public. Et que la disparition de Julie n’ait pas de rapport avec la guerre ou l’épidémie ne change rien à mon propos : je dis simplement qu’en 1929 on est réellement dans une ambiance mortifère.

Le meilleur de La chambre verte me semble résider dans le parti pris étriqué, verdâtre, assombri des images ; et j’admets volontiers qu’il y a quelques bonnes séquences dans des cimetières hostiles, à la végétation touffue et envahissante. Rien de pittoresque là-dedans (ni d’horrifique, à l’aide de grilles rouillées et de brouillards décoratifs : on n’est pas dans un film de vampires). Rien de pittoresque mais une sorte de pesanteur envahissante, comme du chagrin.

Mais je n’ai pas compris grand chose à l’intrigue, qu’on a du mal à qualifier de sentimentale, avec Cécilia (Nathalie Baye). Je n’en ai compris ni le sens, ni l’intérêt, ni la nature e t je n’ai à aucun moment accroché à l’histoire.

Ennui terrible et somnifère, à peine racheté par l’utilisation de morceaux musicaux issus de l’immense talent de Maurice Jaubert, mort pour la France en 1940 et compositeur des partitions de L’Atalante, Carnet de bal, Quai des brumes, La fin du jour, Le jour se lève

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