La collectionneuse

872008322Rohmerissime !

Je ne suis pas très à l’aise pour noter ce film, qui me paraît réunir à un assez haut degré à la fois tout ce qu’on peut détester et tout ce qu’on peut adorer chez Éric Rohmer, ce qu’on appellera verbiage ici, intelligence des mots là. Car il y a, dans La collectionneuse à la fois l’un et l’autre.

De prime abord, je me dis qu’ils sont un peu agaçants, un peu exaspérants, même, souvent, ces jeunes gens désœuvrés qui sont venus passer l’été dans une grande maison sévère et magnifique des environs de Saint-Tropez. À suffisamment d’encablures de la petite Babylone moderne pour n’y être pas englués, mais pour en participer s’ils le souhaitent.

Seulement, que souhaitent-ils ? Tous les trois, Daniel (Daniel Pommereulle), Adrien (Patrick Bauchau), Haydée (Haydée Politoff) sont là pour ne rien faire. Les deux garçons ont parfaitement conceptualisé cet engourdissement volontaire, qu’on pourrait, en poussant le bouchon un peu (trop) loin, assimiler à une forme d’ascèse, et si l’oxymore ne vous choque pas trop, à une sorte de macération voluptueuse. Haydée, elle, met dans l’obstination à ne rien vouloir, plus de simplicité.

2105543163_1a50a893d8_thumbDe simplicité, ou même d‘animalité. Il n’est pas indifférent que Rohmer, au tout début du film, présente ses trois protagonistes de façon très analogue pour les garçons, pris dans des conversations d’une grande esbroufe intellectuelle, des ratiocinations, des marivaudages un peu ridicules, mais qu’il s’attache avec une certaine complaisance à Haydée marchant sur la plage. Et en s’attardant longuement sur ce beau corps presque dévêtu, qu’on dirait créé pour être tel, le cinéaste donne une des clefs de La collectionneuse.

Mon malheur est que je ne parviens pas, même après avoir vu plusieurs fois le film, quelle(s) porte(s) cette clef ouvre, sauf à dire que c’est plus la clef qui compte que la serrure et que, ma foi, on y trouve ce qu’on y cherche. Pourquoi pas, en effet ?

collec-1En tout cas, Rohmer, qui filme avec beaucoup de sensibilité la belle eau claire de la Méditerranée, les galets, les algues mouvantes, ne pouvait pas mieux choisir pour incarner son personnage énigmatique que ce charmant petit monstre buté d’Haydée Politoff, dont la vie réelle ressembla assez à ce que l’on peut comprendre de son rôle. Tour à tour boudeuse, narquoise, fermée, énervante, délicieuse sous sa frange obstinée, elle a une chair de raisin et de miel qui s’allie parfaitement à cette histoire de plage un peu vaine.

Mais à regarder, naturellement, comme tous les Rohmer !

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