Le grand sommeil

Tout ça est très compliqué.

Après avoir lu plusieurs éminentes critiques et avoir parcouru de nombreux forums de cinéphages, je suis ravi de constater que personne n’a jamais rien compris à l’intrigue abracadabrante et invraisemblable du Grand sommeil et qu’à peu près tout le monde s’en contrefiche. C’est évidemment un peu embêtant pour un film à forte tonalité policière, la plupart des spectateurs appréciant de savoir qui a tué, pourquoi on a tué et comment le héros va démasquer le coupable.

Comme il y a beaucoup de victimes et (si j’ai bien remarqué) un bon nombre d’assassins, la frustration pourrait être entière si l’intérêt du film n’était dans bien d’autres choses, l’atmosphère d’un beau noir et blanc pluvieux, l’harmonie parfaite entre Humphrey Bogart et Lauren Bacall, les dialogues, étincelants d’esprit et d’humour (ainsi, lors de leur unique rencontre, le général Sternwood (Charles Waldron), qui ne peut plus ni boire, ni fumer à Philip Marlowe (Bogart) : Vous contemplez là le triste résultat d’une vie fastueuse ou, à propos des orchidées qu’il élève dans sa serre surchauffée : Elles sentent la douceur pourrie de la décomposition ; on gage que William Faulkner n’est pas pour rien dans ces bijoux).

Big SleepOn pourrait mettre sur la même ligne toutes les scènes de séduction, Marlowe attirant le regard des femmes comme les fleurs les abeilles : que ce soit la jeune libraire binoclarde, la conductrice de taxi (Appelez plutôt la nuit : le jour, je travaille !) ou, naturellement Vivian Sternwood (Lauren Bacall) avec qui s’engage un dialogue aux intenses sous-entendus érotiques, toutes sont attirées par ce type moqueur, désinvolte et subtil qui ne tombe pas, ou pas tout de suite dans la toile de ces araignées.

De là à dire que le film est un chef-d’œuvre, il y a un pas que je ne franchirai pas, parce qu’un patchwork de scènes brillantes, fussent-elles portées par une distribution éclatante (car les seconds rôles sont également remarquables) ne fait pas vraiment un film vibrant. On est enchanté, amusé, horrifié, selon le cas et le type des situations. Mais on demeure tout de même assez largement extérieur.

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