La joyeuse divorcée

Délicieusement désuet.

Cette histoire qui a tout d’un petit vaudeville enlevé, quelquefois leste, fondée sur des quiproquos éculés, vieux comme le théâtre de boulevard, mais souvent efficaces et drôles, n’aurait tout de même pas beaucoup d’intérêt si elle ne donnait pas prétexte à une de ces comédies enchantées produites par le Hollywood de la grande époque et si elle n’était portée par une partition musicale formidable et par les numéros éblouissants de danseurs exceptionnels.

Il faut, naturellement, se laisser emporter, ne pas faire la fine bouche devant tout ce fatras de rencontres inopinées, de coups malicieux du hasard, de méprises, d’invraisemblances, de bavardages à double sens ; et, naturellement, il faut ne pas feindre de s’étonner qu’en pleine intrigue, on se mette à faire des claquettes, à valser, à se lancer dans des ballets vertigineux de fantaisie et de gaieté ; d’ailleurs l’anecdote est, comme toujours, plus que mince et, l’heure passée, comme dans Top Hat, le réalisateur, Mark Sandrich tire à la ligne et s’en sort par une très longue séquence dansée.

Les dialogues sont souvent spirituels et enlevés. Ainsi entre Guy Holden (Fred Astaire) enthousiaste et exalté, qui vient de rencontrer Mimi Glossop (Ginger Rogers) et son ami, Egbert Fitzgerald (Edward Everett Horton),

– Elle est la musique que font les abeilles en butinant ; le bruissement des feuilles ; l’eau qui clapote le long du rivage !
– Cette femme est une succession de bruits bizarres !

Ainsi les conseils à Mimi de sa tante Hortense (Alice Brady) : Sois féminine et douce, si tu peux marier les deux !

disque-la-joyeuse-divorcee8La partition musicale est exceptionnellement réussie et s’intègre parfaitement dans le récit, alors même qu’elle est un patchwork de compositeurs : le célébrissime Night and day de Cole Porter, l’amusant Let’s knock knees ! de Mack Gordon et le standard drôlement enlevé The continental de Con Conrad. Partition du même niveau que celle de Top hat, à plusieurs coudées au dessus de celle de En suivant la flotte.

Et puis les danseurs ! Tous ! Les deux stars, Fred Astaire et Ginger Rogers, bien sûr, magnifiques, d’une facilité éblouissante, qui vous laissent l’impression que vous pourriez être comme eux touchés par la grâce, si vous y essayiez (mais si vous ébauchez un pas en vous regardant dans la glace, votre balourdise vous ramènera vite sur terre !), les deux stars, dont c’est le deuxième des neuf films tournés en commun, et le premier dont ils sont les vedettes, sont éclatantes. Mais Betty Grable, dans un numéro unique, est épatante. Et les girls, blondes, platinées, souriantes, sont bien jolies…

Une petite voix glacée me souffle que ces girls-là, qui devaient avoir vingt ans, dans ce film de 1934, sont aujourd’hui nonagénaires, si elles vivent encore !

Et alors ? La magie du cinéma, c’est l’éternité !

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