Marianne de ma jeunesse

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Quoi ? Duvivier romantique ?

Le thuriféraire quasi absolu de Duvivier que je m’honore d’être a regardé hier soir Marianne de ma jeunesse et s’interroge encore sur les motivations obscures qui ont pu pousser son réalisateur favori sur ces chemins-là, même si de subtils commentaires peuvent quelque peu éclairer une démarche  inaccoutumée. 

Parce que, à ce niveau de ratage (qui en devient presque fascinant), on ne peut que s’interroger. Qu’est-ce qui a poussé le noir Duvivier à s’enticher d’une histoire aussi ridiculement niaise et nunuche, directement gobée de la grande tradition des grands romantiques allemands, romantiques qui, quand ils ne zigouillent pas la moitié de l’Europe, rêvent de la faire pleurnicher d’amour éthéré ? Grande est ma perplexité !

Je peux supposer que Duvivier, soucieux de prouver Urbi et orbi qu’il n’était pas que le cinéaste des merveilleux ratages de mecs poursuivis par une forme de Fatalité, a voulu changer totalement de registre pour prouver et se prouver des choses (la réalisation des deux premiers Don Camillo juste auparavant n’étant qu’une insolite parenthèse de commande). En fait, il réagit comme Zola qui, agacé des accusations de saleté perverse qui frappent la série des Rougon-Macquart, décide de consacrer un des vingt volumes de la série à une histoire pure : et ça donne Le Rêve, roman invraisemblable et grotesque où les amateurs de L’Assommoir, de Pot-Bouille et de Germinal, dont je suis, s’interrogent sur la réalité de ce qu’ils lisent. Pas plus que Zola, Duvivier n’était fait pour la mièvrerie et le romanesque, c’est tout…

Donc, film raté, terriblement raté, à dialogues et ton d’une emphase à hurler de rire, plaqués sur une histoire d’une naïveté confondante. On peut difficilement caractériser le jeu des acteurs principaux : si ni Pierre Vaneck, ni Gil Vidal n’ont été des étoiles de première magnitude du cinéma français, on ne peut pour autant leur imputer des situations ou des propos que les meilleurs acteurs du monde n’auraient pu soutenir, tant ils sont cocasses…

On ne peut pourtant dire que c’est un vague machin de commande, tourné à la va-vite puisque, en sus du tournage de deux versions, l’une française, l’autre allemande, il y a le choix d’un grand spécialiste, Jean d’Eaubonne, pour les décors, d’un grand compositeur contemporain, Jacques Ibert, pour la musique ; il y a des paysages admirables de montagnes et de lacs, des forêts embrumées, des angles de filmage magnifiques : la patte de Duvivier est présente, vigilante, attentive : simplement, l’histoire n’est pas pour lui…

Et ça donne donc un des films de pensionnat les plus ratés que je connaisse, cent, mille coudées au dessous des mondes enchantés des Disparus de Saint-Agil, des Anciens de Saint-Loup, ou même de la Cage aux rossignols

Pourtant, y resongeant, je ne peux pas complètement nier que cet échec absolu ne soit pas aussi, en plus, envers et contre tout, un peu fascinant…

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