La loi c’est la loi

Affaires étrangères.

On imagine que les producteurs, toujours friands de recettes faciles (aux deux sens de ces termes et après tout ils sont là pour ça !), que les producteurs, donc, se sont dit que mettre en face à face deux grandes vedettes, française et italienne, était une bonne idée. Après les immenses succès des trois premiers Don Camillo (1951,53 et 55), il devait être tentant, en effet, de reconstituer un duo presque exotique de cette sorte. Fernandel, évidemment, gage de succès assuré de ce côté des Alpes et Toto,moins connu ici, mais très populaire là. C’est sans doute la base, l’idée initiale.

Puis une vision narquoise de la relativité des choses humaines, quelque chose qui joue sur les marges. S’appuyant sur des singularités bien réelles – l’existence de villages frontaliers, fréquents entre la France et la Belgique, sans doute moins habituels entre la France et l’Italie – le scénario distille avec une certaine habileté les paradoxes et anomalies de la situation. Le village d’Assola est ainsi découpé selon une ligne fluctuante et malicieuse qui semble n’exister que pour créer des situations inextricables. Le brave douanier Ferdinand Pastorelli (Fernandel) passe son temps à traquer les multiples contrebandiers qui profitent de la situation et singulièrement son ami d’enfance et complice italien Giuseppe La Paglia (Toto)qui, comble d’agacement, a épousé Marisa (Anna Maria Luciani), dont il a divorcé.

Les premières séquences du film s’engluent dans la grosse farce, les carapates du douanier et du contrebandier dans les beaux sites pierreux de la contrée et dans la présentation des figures françaises de la bourgade, le maire (Henri Arius), le brigadier de gendarmerie (Noël Roquevert), le chef des douaniers (Albert Dinan), le beau-père du brave Ferdinand (Henri Crémieux) et de quelques autres. C’est lourd, c’est poussif, c’est le Fernandel immense vedette qu’on ne dirige plus, qu’on ne modère plus, qu’on laisse livré à lui-même, dans le génie comique mais aussi dans la facilité. À côté de lui, Toto fait assez pâle figure, sorte de faire-valoir qui ne montre guère son immense talent.

Il y a une bonne demi-heure de gugusserie. Et je dois dire qu’à mon sens, le film ne s’en remet jamais tout à fait. Parce qu’il change ensuite assez radicalement de direction.

Il se trouve que, par une de ces finasseries narquoises de l’existence, le douanier Pastorelli, modèle de sens du devoir et de patriotisme, est suspecté d’être né, de père inconnu et de mère italienne, dans la partie transalpine du patelin. Dès lors, n’étant pas citoyen français, il ne peut plus être fonctionnaire, ni marié avec sa deuxième femme Hélène (Nathalie Nerval), ni père légitime de son enfant, il est coupable de port illégal d’uniforme, etc. Les choses se développant, un peu à la manière à la fois d’un conte philosophique et d’une machinerie infernale. N’étant plus français, Pastorelli doit devenir italien afin ensuite de demander sa naturalisation française (on me suit ?). Mais devenu enfant de la Louve, il tombe dans d’autres complications : ainsi, le divorce n’étant pas, à l’époque, reconnu en Italie, il demeure officiellement marié avec sa première femme, épouse de son ennemi complice Giuseppe/Toto… et ainsi de suite.

Tout ça ne serait pas déplaisant, surtout construit avec le talent d’Age et Scarpelli, si ce n’était totalement absent à la fois de rythme et de férocité. Quelques gags, quelques répliques, mais fondamentalement un spectacle familial de samedi soir qui se hausse du col. Il me semble que Christian-Jaque, réalisateur dont on ne parle plus guère mais au moins auteurs de deux grands films, Les disparus de Saint-Agil et Un revenant et de quelques réalisations de qualité (François 1er, L’assassinat du Père Noël, Boule de suifAdorables créatures, Nana) ait plutôt perdu la main pour ce truc assez tardif, qui se traîne sans être pourtant long.

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