La main au collet

 

Roman-photo

Je demeure stupéfait par la réputation que l’égrillard Alfred Hitchcock a pu acquérir et conserver dans l’histoire du cinéma, statue bedonnante autant qu’immarcescible qu’on n’ose pas déboulonner, alors que – Psychose excepté – son cinéma n’est ni drôle, ni attachant, ni angoissant. Je veux bien admettre que La main au collet n’est pas recensée au rang des œuvres majeures qu’il est convenu d’admirer sans barguigner, du type Sueurs froides ou La mort aux trousses et que les amateurs insistent principalement sur le charme de l’histoire qui réunit Cary Grant qui a connu de meilleurs rôles (L’impossible Monsieur Bébé ou, surtout Charade, par exemple), et Grace Kelly

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Ah, Grace Kelly… Quel dommage que cette excellente actrice soit tombée successivement dans les griffes d’Hitchcock – qui n’a tout de même pas réussi à la transformer en glaçon du type Kim Novak ou Tippi Hedren – et de l’indolent grassouillet Rainier III de Monaco !! Malgré sa blondeur froide, elle avait un petit quelque chose qui, aux antipodes de l’abondance charnelle de Marilyn Monroe, lui donnait le charme et la capacité de séduction d’une brune… Sic transit…

La Côte d’Azur fantasmée en 1955 par un Anglo-saxon puritain met en scène les frustrations habituelles de qui n’a connu que les ciels gris : soleil, quasi nudité des bains de mer, futilités diverses, restaurants à torrents de beurre et de crème fraîche, jeunes filles délurées, individus interlopes… On a l’impression que les gens sérieux en sont exclus ou, s’ils restent tels, ne peuvent que s’y ridiculiser (ainsi l’agent d’assurances Hughson (John Williams) qui a l’air d’avoir avalé son parapluie et, pis, de s’en rendre compte).

Et on n’hésite pas, pendant qu’on y est, à représenter Nice tel qu’on représenterait le Bagdad des Mille et une nuits : la poursuite de John Robie Le Chat (Cary Grant) par la police dans le marché aux fleurs du cours Saleya est absolument ridicule, digne d’une pantalonnade insignifiante. Toujours autant d’allusions cinématographiques salaces : le baiser des deux héros se fond en un feu d’artifice laiteux ; laiteux : vous voyez ce que je veux dire ?

On peut s’amuser de reconnaître, dans un film aussi viscéralement étasunien, des tas d’acteurs français : Charles Vanel, Jean Martinelli, René Blancard, Georgette Anys, Dominique Davray, Brigitte Auber. Mais, à son grand dam, on est bien obligé de constater qu’ils ne sont pas vraiment valorisés et qu’on est même un peu gêné de voir Vanel faire sa pige sans éclat… Et que Brigitte Auber, à la petite figure chiffonnée, ne tient pas la route une demi-seconde devant Grace Kelly. Il faut dire que les dialogues, où brillent souvent nos compatriotes, sont particulièrement insignifiants.

Qu’est-ce qui reste ? Nice, Monte-Carlo et la corniche avant le tourisme de masse. C’est étique.

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