La tour infernale

Mon Dieu, quel malheur d’avoir un mari bricoleur !

On pourra s’étonner que je chronique La tour infernale quelques jours après seulement l’incendie du 15 avril qui a ravagé Notre-Dame et qui est, bien entendu, d’une tout autre force émotive et d’une tout autre importance. Je jure pourtant que j’avais emprunté le DVD plusieurs semaines auparavant, avec une simple envie de divertissement et sans intention particulière d’admirer le courage, le dévouement, le professionnalisme des sapeurs-pompiers, qu’ils soient d’ici ou de là-bas. Disons alors qu’il ne tombe pas mal que l’on puisse le dire et le redire…

Le film est arrivé en France à un moment tout à fait particulier de la grande histoire de l’urbanisme. À Paris, le Front de Seine a été érigé à partir de 1970, tout comme l’ensemble Galaxie autour de la place d’Italie et ses suites dans le reste dans le 13ème arrondissement (Tour Antoine et Cléopâtre, quartier Masséna, les Olympiades). L’époque était conquérante et vigoureuse, sous le président Pompidou et il a fallu la parcimonie petite-bourgeoise de Giscard d’Estaing pour stopper le beau projet Apogée. La tour infernale est sortie chez nous au mois de mars 1975 et sa scénographie bien fichue a glacé beaucoup de monde. Et si je n’ai pas eu peur de m’installer dans un très bel appartement, clair et à vue imprenable du 22ème étage d’une des tours des Olympiades, c’est parce que je savais que notre réglementation de sécurité était beaucoup exigeante et mieux appliquée qu’ailleurs.

Parce que dans le film de John Guillermin et d’Irwin Allen,c’est tout de même un sale tripatouillage commis par l’immonde Roger Simmons (Richard Chamberlain), gendre du promoteur véreux Jim Duncan (William Holden), qui est la cause directe du sinistre. Un habile sous-dimensionnement des câbles électriques pour grappiller ici et là des dollars qu’on se mettra dans les poches et Passez muscade ! ; d’emblée les responsabilités sont bien posées et on ne fait pas appel à je ne sais quelle fatalité ; et d’ailleurs la dernière séquence où les deux héros, Michael O’Hallorhan (Steve McQueen), le colonel des pompiers et Douglas Roberts (Paul Newman), l’architecte de la tour, se disent qu’ils vont à l’avenir collaborer pour que pareille catastrophe ne puisse se reproduire est dans le même bon sens.

Outre les moyens tout à fait considérables mis en œuvre par les deux compagnies productrices, la 20th Century Fox et la Warner Bros, il faut mettre à son crédit la qualité, au moins initiale, de son rythme. Autant dans Titanic, par exemple, ça glandouille et ça musarde jusqu’à ce que l’iceberg déchire le flanc du navire, autant dans La tour infernale le feu prend vite : dès la 12ème minute, les premiers court-circuits commencent et on voit bien que ça ne va pas s’arrêter là. Et en même temps il y a de l’habileté à présenter les différents protagonistes que l’on va suivre durant toute la durée du scénario, comme dans tout film-catastrophe qui se respecte. Et là il est bien évident que Hollywood envoie la grosse cavalerie, allant même tirer Fred Astaire, délicieuse arsouille, dans sa retraite pour le faire fricoter avec Jennifer Jones.

Tout cela est bel et bon, d’autant qu’on sait depuis longtemps qu’il n’y a rien de plus spectaculaire qu’un bel incendie. Mais, comme souvent, les producteurs souhaitent rentabiliser les considérables investissements qu’ils ont consentis et ne se satisferaient pas que le film ne dure que 90 minutes. Et donc, il faut que ça dure, que ça dure et que ça dure… Alors on allonge la sauce, on introduit des intrigues sentimentales parallèles et on fait durer au maximum toutes les scènes d’action ; et pour autant on néglige un peu trop les luttes de pouvoir, les mesquineries, les médiocrités, les explosions qui animent les pauvres gens coincés au 135ème étage de la tour. Il y avait là quelques trésors à exploiter, mais qui ne le sont pas beaucoup.

C’est un grand spectacle. Tout va bien.

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