This is England

De si braves garçons…

C’est toujours un peu pareil lorsque de vertueux indignés entreprennent de stigmatiser la bête immonde et d’appeler l’attention des populations sur son réveil ou son surgissement. Quels qu’en soient les talents, ils vont si loin dans la volonté démonstrative qu’ils pervertissent leur propos à force de manichéisme et finissent par agacer. Lorsqu’un des meilleurs réalisateurs francophones contemporains, Lucas Belvaux, s’engage contre le Front national, un peu avant les élections présidentielles de 2017, avec Chez nous, il en fait tellement qu’il passe à côté du sujet. (Au fait, j’ai dit tant et tant de bien de presque tous les films de Belvaux que je ne puis être suspecté de lui donner là le coup de pied de l’âne). C’est un peu la même chose avec This is England dont le réalisateur, Shane Meadows entend régler ses comptes en 2007 avec à la fois Margaret Thatcher et le National Front d’Enoch Powell, situant son récit en 1983.

En regardant le film, j’ai évidemment pensé à Orange mécanique et il me semble que le metteur en scène aurait gagné à orienter son propos bien davantage sur l’ultraviolence que sur le racisme. La force de Stanley Kubrick, précisément c’est de pas donner un nom à la dinguerie méchante d’Alex et de ses droogs qui frappent sur tout ce qui bouge, à tout moment et à propos de n’importe quoi. Ce n’est pas la même chose, va-t-on me dire ; certes, mais il y a tellement d’images inspirées par le film de Kubrick – par exemple la déambulation de la bande, l’air agressif et placide tout à la fois, filmée au ralenti – qu’on est forcé d’y songer.

Cela dit, il paraît que This is England relate de façon romancée la propre enfance de Shane Meadows, qui aurait été tenté par l’embrigadement dans un groupe de skinheads racistes. Shaun (Thomas Turgoose), qui doit avoir 12 ou 13 ans, a perdu son père soldat pendant la guerre des Malouines. Il vit seul avec sa mère Cynthia (Jo Hartley), qui semble l’aimer mais ne paraît pas beaucoup s’occuper de lui. Comme il est malheureux à l’école, un peu souffre-douleur des plus grands, il se laisse facilement adopter par la bande hétéroclite dirigée par Woody (Joseph Gilgun) et en adopte tout de suite les codes vestimentaires et comportementaux. Dans une ambiance de biture, de musique et d’initiation amoureuse (par une sorte de grande asperge ultra maquillée, Smell (Rosamund Hanson), l’adolescent trouve une sorte de famille. Puis survient Combo (Stephen Graham), un ancien ami de Woody, qui sort de prison. Combo est nettement plus âgé que le reste de la troupe et, accessoirement, il est amoureux de Lol (Vicky McClure) et aimerait bien la reprendre à Woody.

Adhérent du National front et devenu structurellement raciste, en bon petit blanc du Nord-Est de l’Angleterre, Combo entraîne la scission du groupe ; Shaun se retrouve de son côté, avec les plus débiles. On dévalise le commerçant pakistanais et on ratonne… Évidemment les choses vont mal tourner mais à la fin finale, Shaun, touché par on ne sait quelle grâce humaniste, ira jeter à l’eau le drapeau de Saint George qu’il gardait en trésor précieux. Le voilà sauvé !

Tout cela est engouffré dans un grand fourre-tout noué d’histoires parasites qui s’entrelacent mais n’ont pas beaucoup de crédibilité ; Shaun qui est un gamin au physique assez mièvre et ne paraît pas particulièrement briller en quoi que ce soit, semble être l’objet de toutes les attentions des plus grands (jusqu’aux trentenaires) qui donnent l’impression de tenir plus que tout à sa présence… Donnons crédit au réalisateur de filmer avec un certain talent une Angleterre hideuse et rébarbative, de ciels gris perpétuels, de terrains vagues et de constructions lépreuses. Il est vrai que ces régions font partie de celles qui sont depuis longtemps privées de toute espérance depuis que la finance internationale a jugé plus rentable l’exportation de toutes les industries de main d’œuvre vers le Tiers-Monde…

On aura les conséquences, comme dit le Deutéronome…

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