L’assassin est dans l’annuaire

Et il aurait pu y rester…

Ah, voilà un film qui n’apportera rien à la gloire de Fernandel, ni même à la (petite) notoriété de Léo Joannon, qui avait fait bien mieux avec Le défroqué et L’homme aux clés d’or. À ce propos, reconnaissons tout de même aux époques anciennes assez de liberté d’esprit pour avoir permis à ce réalisateur mineur de reprendre une carrière et de rencontrer de grands succès alors que le bonhomme avait été passablement – comment dire ? – indulgent aux fariboles de la Collaboration. Mais comme, après la Libération, le public se sentait vis-à-vis de la période de la Guerre, beaucoup moins net que le vertueux public d’aujourd’hui (qui lui aurait dit son fait, à l’Adolf, et pas qu’un peu !), Joannon a pu tourner. Beaucoup.

Beaucoup et même n’importe quoi. Car L’assassin est dans l’annuaire est un ennuyeux et laborieux pensum qui n’a pour lui que de n’être pas trop long. Mais qui a contre lui beaucoup de choses, notamment un Fernandel qui se limite strictement à ce que les clauses de son contrat avaient dû prévoir : être là. Et – la chose est à noter, de fait – de faire le coup de poing contre les canailles avec une certaine efficacité (mais ce n’est tout de même pas du niveau d’Eddie Constantine). Tout le reste de la distribution est au service de la vedette, ce qui n’est pas absolument anormal dans ce genre de film un peu fauché, mais les acteurs conviés font, comme la tête d’affiche, le strict minimum. Dommage, au demeurant, car Georges ChamaratMaurice TeynacHenri Crémieux ne sont pas du tout des nullités. Il n’y a guère que Marie Déa, qu’on n’avait plus vu depuis Les visiteurs du soir, où elle était déjà bien pâlotte et insignifiante, qui fasse un peu tâche.

Je me souviens d’avoir jadis lu quelques romans policiers de Charles Exbrayat, sans déplaisir et sans enthousiasme. Le film de Joannon est adapté, donc, d’une de ses histoires qui n’est ni plus exaltante, ni plus déplaisante qu’une autre. Un modeste employé de banque, Albert Rimoldi (Fernandel, donc) qui est un peu la risée, presque le souffre-douleur de ses collègues, parce qu’il est aussi consciencieux qu’empoté est l’objet d’une manipulation habile fomentée par Henri Leclerc (Georges Chamarat), le directeur de la banque et par Levasseur (Maurice Teynac) et sa sœur Édith (Marie Déa) pour barboter un important transfert de fonds.

Agi, manipulé, désorienté, roulé par son patron, aguiché par Édith il mettra bien du temps à se dépêtrer d’une mauvaise affaire où la police le croit coupable du vol, mais aussi de plusieurs assassinats (les crapules ne reculant devant rien !). Tout cela se termine au mieux pour lui, lavé de tout soupçon et qui a même permis l’arrestation de la bande.

Mais une note douce-amère, qui permet de hausser le film un peu au dessus de la nullité absolue. Naturellement, toutes les femmes qui ont fait du charme au modeste employé se sont moquées de lui et n’ont agi que pour le berner, alors qu’il ne rêvait que de belles amours tendres. Les péripéties achevées, voilà qu’il se retrouve aussi seul qu’auparavant et un peu plus triste encore : il n’y aura pas de charmante et modeste héroïne, un peu délaissée jusqu’alors, pour lui ouvrir le chemin et les bonheurs de l’hyménée. Alors le brave homme s’en va adopter un pauvre petit garçon abandonné. C’est bien gris, mais c’est bien joli.

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