Le bal des vampires

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On rit plus qu’on ne crie, mais bon !

Mes vingt ans de 1967 se prenaient au sérieux, comme tous les vingt ans du monde et j’étais tout de même assez agacé que ce Polanski dont je n’avais pas vu quoi que ce soit, pas plus Répulsion que Cul-de-sac, que ce Juif polono-américain osât s’attaquer au mythe admirable du Vampire, magnifié par les productions de la Hammer et incarné par l’insurpassable Christopher Lee, mythe dont grâce à des lectures répétées de l’ouvrage de Bram Stocker, je me voulais exégète intransigeant.

Mais, naturellement, pour que ma science fut exhaustive (j’ignorais alors qu’il existait des tas de films de vampires mexicains, chinois, ou papous), il me fallait aller tordre un nez délicat sur les élucubrations sacrilèges du sieur Polanski dont, c’était convenu, ma critique ne ferait qu’une bouchée auprès des demoiselles qui m’avaient fait l’honneur de me choisir comme maître en vampirologie appliquée.

Peu de crêpes ont été aussi vivement retournées que je l’aie été dès les premières images, lors d’un générique à la fois glacé et spirituel qui suit la course du traîneau qui emporte le professeur Abrontius (Jack MacGowran) et son assistant Alfred (Polanski himself !) vers le château maudit, les loups, les villageois terrorisés et, par la même occasion, leur destin.

Ce mélange de qualités formelles étincelantes et de burlesque narquois (ah, le ricanement de l’aubergiste juif contaminé, Shagall (Alfie Bass) devant le crucifix qui lui est opposé et qui ne représente rien pour lui !), le détricotage des codes (le vampire homosexuel), la capacité de faire se succéder des scènes un peu tendues (avouons tout de même qu’on n’a jamais la trouille) et des cavalcades bouffonnes, avaient mis la salle de cinéma dans un étrange état, mélange de stupeur, d’hilarité, mais presque de gêne, aussi, tant c’était iconoclaste et enlevé.

Je suis sorti, à la fois ravi et admiratif pour le grand talent d’un réalisateur dont on sentait pointer l’aura. Mais un peu triste, aussi : je sentais que je ne pourrais jamais plus raconter Dracula avec le même sérieux…

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