Le chat et la souris

À bon chat, bon rat.

On ne peut pas dire que Le chat et la souris soit un film désagréable à regarder, mais c’est tout de même bien foutraque, bien mal fichu, bien oubliable. Les acteurs sont en parfaite roue libre, paraissant s’amuser un peu (Michèle Morgan), beaucoup (Serge Reggiani) ou pas du tout (Philippe Léotard), tout au cours d’une histoire emberlificotée mais qui, paradoxalement, manque de toute fantaisie.

Ce Lelouch-là est lourd, appliqué, borné, sans verve ni brio. À part l’agréable Bonne année, je continue à m’étonner que le réalisateur continue à bénéficier d’une aura médiatique invraisemblable auprès du grand public ; il est vrai que ma connaissance du sujet (de l’auteur, si je puis dire) est des plus médiocres, mais je demeure stupéfait de la réputation dont il continue à profiter sans raison.

Encore une critique, assez grave pour moi qui suis un défenseur acharné du cinéma des seconds rôles, qui m’ont toujours paru donner de la substance, de l’épaisseur, de la densité aux films, trop souvent squelettiques sans eux. Lelouch en emploie beaucoup dans Le chat et la souris : Michel Peyrelon, toujours gluant, Jacques François, toujours froid, Vernon Dobtcheff, toujours inquiétant ; il utilise même, en guest stars, Jean-Pierre Aumont, Judith Magre ou Valérie Lagrange, qui avait à l’époque une petite réputation de comédienne et de chanteuse. Et malgré cela le film flageole, vague, cahote au milieu de séquences rarement maîtrisées.

Un exemple ? Prenons ce qui passe pour un morceau de bravoure, le chronométrage du parcours entre le cinéma où Mme Richard (il me semble que pas une fois son prénom n’est cité), c’est-à-dire Michèle Morgan, est censée avoir passé une partie de l’après-midi et la villa des bords de Seine où elle aurait bien pu aller zigouiller son mari volage et riche (Jean-Pierre Aumont), si toutefois elle avait pu accomplir la distance aller-retour en deux heures au plus. Vlan ! Un aller-retour en automobile, et re-vlan, le même en moto. On est amusé, au premier parcours de la virtuosité du pilote et des risques apparemment fous qu’il prend ; au second, on en a déjà sa claque ; et au quatrième, alors ! C’était rigolo à tourner ? Sans doute, mais c’est bien là le problème de Lelouch : il se fait plaisir, fût-ce au détriment du spectacle qu’il est tenu de donner au spectateur…

 Et l’épisode du clou trouvé dans un gâteau au déjeuner dans le restaurant tenu par les anciens domestiques du couple Richard ? Oui, il y a deux minutes assez drôles et le fou-rire de Michèle Morgan, paraît-il improvisé, est un bon moment mais la scène est si brève qu’elle est un peu frustrante, finalement, comme était frustrante la séquence où dans L’aventure, c’est l’aventure, Aldo Maccione, Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Gérard et Charles Denner prétendaient éblouir les filles d’une plage grâce à leur démarche simiesque. Pitreries réussies mais insuffisantes pour remplir tout un film.

Enfin ! Tout cela est bien terne mais permet de constater une fois de plus que Serge Reggiani avait dépensé tout entier le mince talent dramatique qui lui avait été dévolu par le Créateur en une seule fois dans Casque d’or, que Michèle Morgan aurait mieux fait, après Quai des brumes de se consacrer à de la publicité pour le Mascara ou les lentilles de contact et que Philippe Léotard aurait mieux fait de moins boire. Nil novi sub sole.

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