Le Diable et les dix commandements

Un Duvivier  tardif.

Ce Duvivier très – trop – tardif est édité chez René Château depuis quelques mois.

À dire le vrai, le pénultième film du grand réalisateur n’est pas un très bon, ni même un bon film ; le procédé du film à sketches liés par un improbable fil directeur est usé jusqu’à la corde, les histoires sont très inégales et ne laissent pas beaucoup de traces en mémoire. Il y a des acteurs épatants, quelques scènes drôles, mais bon…, Le diable et les dix commandements et pis, Diaboliquement vôtre (a-t-on remarqué la prégnance du Malin dans les dernières années de la vie de Duvivier ?) auraient pu n’être pas tournés….

Le dernier grand Duvivier, c’est évidemment Marie-Octobre….

On se demande pourquoi on est quelquefois saisi d’une envie d’apparence idiote qui fait replacer dans le lecteur le DVD d’un film qu’on n’avait pas apprécié à la première vision. La plupart du temps ça ne marche pas davantage. Et là, bizarrement, j’ai bien mieux apprécié ce film secondaire – très secondaire – de Julien Duvivier que la première fois que je l’avais regardé…

Oh c’est bien vrai que c’est très inégal. Six histoires, mal reliées (non reliées serait plus exact) par un petit fil rouge trop ténu pour être honnête, un récit touchant à la gaudriole anticléricale (point méchante, il est vrai) avec un Michel Simon assez outrancier. Et au moins un segment catastrophique, Tu ne tueras point : histoire calamistrée d’un cas de conscience opposant un séminariste incarné par Charles Aznavour, aussi crédible en homme d’Église que je le serais en danseuse des Folies Bergère et un sale type joué sans conviction par Lino Ventura ; tout ça avec le concours inodore de Maurice Biraud. Oui : on l’a remarqué, c’est le casting d’Un taxi pour Tobrouk ; comme quoi la Roche tarpéienne est toujours aussi proche du Capitole.

Le sketch Un seul Dieu tu adoreras, joué principalement par Fernandel est assez confondant, sans rapport évident avec tout le reste du fourbi. On peut le jeter aux orties, malgré Gaston Modot et (surtout) Germaine Kerjean, mais je n’y trouve pas que du déchet : Fernandel interprète un échappé d’asile qui se prend pour Dieu lui-même mais change, par l’énormité de sa folie, l’existence d’une famille de rapaces confits dans la crasse et la méchanceté ; le scénario est de Duvivier et le dialogue de René Barjavel : eh bien, je n’ai jamais rien entendu d’aussi intelligente vulgarisation sur la question du Mal et la mise en perspective de l’insaisissable Plan de Dieu que dans quelques phrases prononcées par Fernandel devant le lit de la grabataire Kerjean

Tes père et mère honoreras avec Alain Delon et Danielle Darrieux est d’un boulevardier insignifiant ; Tu ne voleras point, dialogué par Michel Audiard, avec un Jean-Claude Brialy désinvolte et délicieux et un Louis de Funès qui ne se prenait pas encore pour ce qu’il est devenu et qui était donc excellent dans le genre fou-furieux, est virevoltant, drôle mais profondément conformiste ; notons toutefois que Gabriello y est à peu près supportable, ce qui est en soi une performance digne d’être signalée.

Et puis j’aime beaucoup Luxurieux point ne seras, avec Mel Ferrer, Micheline Presle et surtout Françoise Arnoul qui est délicieuse, séduisante comme pas deux. Histoire amusante et bien tournée, invraisemblable mais habile…

En fait ce que j’ai apprécié, c’est, comme dans un Guitry, de reconnaître ça et là des tas de visages appréciés : outre ceux que j’ai cités, il y a la belle Claude Nollier, à qui l’austère habit de mère supérieure va à ravir, Claude Dauphin, Marcel Dalio, Madeleine Robinson, Noël Roquevert, Denise Gence, Jean-Paul Moulinot, Jean Carmet, Claude Piéplu, Madeleine Clervanne…Diable ! (si j’ose dire…)

Et puis aussi les grandes cornettes des religieuses, les vélo-solex, les monuments et immeubles parisiens noircis, les bulletins de consigne des gares, les guichets de banque avec de nombreux employés… Tant de choses…

Bref, je relève ma note…

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