Le don d’Adèle

Concours d’allitérations.

Ah vraiment ce n’est pas terrible et c’est même extrêmement ennuyeux, cette transposition par l’ingénieux Émile Couzinet d’une pièce à succès créée en 1949 de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, prolifiques auteurs de théâtre de boulevard. On peut se méfier beaucoup de ces transpositions-là parce que – je l’ai écrit vingt fois – ce qui marche assez bien dans l’atmosphère surchauffée de la salle et dans les tempêtes de rires qui s’enflent d’elles-mêmes, par leur propre mouvement, si l’on peut dire, n’a pas le même impact comique sur l’écran. Peu amateur de la scène, je n’ai pas vu en présentiel (comme on dit aujourd’hui !) les grands succès des deux auteurs ; mais le passage à l’écran d‘Ami-ami, devenu Les femmes sont marrantes sous la houlette d’André Hunebelle en 1958 ou de Potiche de François Ozon en 2010 ne m’a pas convaincu ; et il paraît que Fleur de cactus a été adapté aux États-Unis par un certain Gene Saks en 1969 avec (mais si, c’est possible !) Ingrid Bergman.

D’une intrigue lourdingue, sur quoi je reviendrai un peu, il n’y a rien à sauver. Ma toute petite indulgence va, par charité, à un certain sens de l’allitération. Outre le titre, Le don d’Adèle, il y a un assez réussi Mado m’a dit mardi midi énoncé avec détermination par la tête d’affiche du film, Marguerite Pierry. Et c’est pour cette délicieuse actrice que je suis allé jusqu’au bout de l’heure et demie du film.

Je conçois que les jeunes générations ne connaissent pas le nom de Marguerite Pierry mais je gage que qui l’a vue une fois dans un de ses très nombreux films la reconnaîtra dès qu’il la verra à nouveau. Peu de premiers rôles, effectivement mais tout de même On purge Bébé de Jean Renoir ou La vie d’un honnête homme de Sacha Guitry, les deux fois en faire-valoir de Michel Simon, il est vrai. Le plus souvent dans des seconds rôles assurément, mais qu’elle marque toujours. Comme ça, au vol, dans Les otages de Raymond Bernard en 1939, Le baron fantôme de Serge de Poligny en 1942, Ces dames aux chapeaux verts de Fernand Rivers en 1948. Et quelle merveille dans un rôle bref du Knock de Guy Lefranc en 1951, de Madame Pons, demoiselle Lampoumas. Œil de velours (quand elle le veut), rires de gorge, osseuse et glougloutante, elle est toujours irrésistible de brio.

Ces gentilles choses dites, voici venir les aigreurs. À dire vrai, ça ne mérite pas qu’on se mette en boule pour un tout petit truc oublié. Mais ce message pourra au moins détourner de jeunes bonnes volontés de regarder ce film afin de réserver leur découverte du cinéma d’Émile Couzinet à de quasi chefs-d’œuvre comme Le congrès des belles-mères. Mais vraiment Le don d’Adèle n’est pas grand chose. Il s’agit d’une jeune campagnarde très fruste, Adèle (Lilo, extrêmement mauvaise) qui bénéficie de l’étrange capacité de prévoir l’avenir et qui, de ce fait (parce que les mauvaises nouvelles sont tout de même bien plus nombreuses et fréquentes que les bonnes) est vilipendée et chassée de sa campagne. Elle est engagée comme bonne à tout faire par la bourgeoise famille Veyron-Lafitte dont le père, Gaston (Charles Dechamps), la mère, Edmée (Marguerite Pierry), le fils, Antoine (Jacques Bénétin) et la fille, Solange (Hélène Bellanger) sont de bons bourgeois superficiels et parasites qui ont de la rogne et de l’envie vis-à-vis du couple Gachassin (Marcel Vallée et Jane Sourza), nouveaux riches douteux et affairistes.

Il n’est pas nécessaire de relater les développements effroyables de ces prémisses qui, malgré leurs évidences évidentes parviennent à tirer le film jusqu’aux 90 minutes règlementaires. Il est vrai que, pour atteindre cet état minimum, il faut ajouter à l’intrigue – microscopique – une bonne dizaine de minutes dans un cabaret où des danseuses grassouillettes effectuent des numéros de cancan et où le grand, l’immense Robert Lamoureux,qui joue son propre rôle effectue une pige tout à fait indigne de lui en se caricaturant de façon pitoyable.

Bon, c’est très mauvais. Que personne n’aille voir ça !

 

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