Le lieu du crime

La maison près de la rivière.

Il y a longtemps que je n’avais pas vu un film au scénario aussi médiocre, un scénario qui confine au ridicule et y tombe souvent. C’est d’autant plus choquant que ça émane d’un réalisateur aussi notoire, aussi célébré, aussi encensé même qu’André Téchiné, encore aujourd’hui révéré parmi les grandes pointures de la création cinématographique. Et cela bien que, depuis une bonne vingtaine d’années, ses films n’aient plus beaucoup d’impact public, si ce n’est sur les professionnels de la profession et ceux qui les suivent fiévreusement. Mais enfin BaroccoMa saison préféréeLes voleurs, précisément, ça avait de la tenue et le récit de chacun des films était intelligent, cohérent, quoique toujours déchiré.

On veut bien admettre, sinon approuver, la constante, lassante, obsédante orientation homosexuelle du réalisateur qui semble imaginer que tous les rapports humains tournent autour de cette particularité ; après tout l’exploration des terra incognita (et destinées à le demeurer) est, pour le spectateur une des raisons de se plonger dans le monde infini de la création artistique ou littéraire. Encore faut-il que ce rapport particulier à la vie n’aboutisse pas à présenter comme usuelle une histoire absolument invraisemblable, inepte, ennuyeuse comme la pluie, bâtie sur du sable et dont tous les éléments semblent reliés de façon si ténue qu’on en sent la fragilité.

Un adolescent, Thomas (Nicolas Giraudi), dans un village de Dordogne ou du Lot, aux paysages sereins, harmonieux, magnifiques, vit avec sa mère Lili (Catherine Deneuve) et ses grands-parents (Danielle Darrieux et Jean Bousquet). Son père, Maurice (Victor Lanoux), dont Lili est séparée, a avec le garçon, qu’il voit de temps en temps, des rapports difficiles. D’ailleurs Lili n’a jamais aimé cet homme…

Fortuitement, au hasard d’une balade, Thomas croise le chemin de deux criminels évadés de la Maison Centrale de Muret, Martin (Wadeck Stanczak) et Luc (Jean-Claude Adelin), celui-ci plus violent et brutal que celui-là, mais liés depuis l’enfance et évidemment homosexuels. Luc voulant tuer l’enfant qui pourrait les dénoncer en signalant leur présence, est abattu par Martin qui ainsi sauve Thomas. On tutoie déjà l’invraisemblance, mais on va y basculer complétement. Car, paniqué par la situation, Martin se réfugie dans le café dancing tenu par Lili qui paraît d’emblée séduite par cet étrange type à la belle gueule et se décarcasse pour lui trouver un asile. Pourquoi pas ? la frustration fait bien les choses.

Les choses se raffinent quand surgit de la nuit Alice (Claire Nebout au physique d’une évidente ambiguïté), amante des deux évadés qui venait les récupérer pour un exil dans on ne sait quel bout du monde. Comme il était convenu, Martin s’enfuit avec Alice mais, saisi de regrets, revient à Lili dont il devient l’amant. Ce que ne peut supporter Alice qui lui tire dessus avant d’aller se suicider en jetant sa voiture contre un mur. Je n’ai plus très bien compris la suite et fin sinon que c’est une catastrophe pour tout le monde.

Mais comment peut-on tourner un scénario aussi nigaud, emphatique, corseté de toutes les ficelles du mélodrame en se prenant à un tel point au sérieux ? Tel que je l’ai exposé, le récit pourrait être une parodie des pires outrances romanesques des romans à l’eau de rose qu’on trouvait jadis dans les bibliothèques de gare et il aurait été amusant qu’il en fût ainsi. Mais hélas, c’est impérieusement grave, sérieux, empanaché : ça vient d’un type qui prend au sérieux son histoire sans s’apercevoir qu’elle ne vit que par les poncifs qu’elle véhicule.

Donnons crédit à la distribution d’être à peu près heureuse, cela même si Catherine Deneuve en fait beaucoup trop ; mais les grands-parents sont superbes, surtout Jean Bousquet, taciturne, contenu, exaspéré. Et puis il y a des lumières poivrées, des images d’une des plus magnifiques régions de France, qui en compte tant et tant…

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