Le Parrain

18660716

On n’a guère à attendre des hommes.

Je n’aurais pas été loin de donner la note maximale de chef-d’œuvre si le film, que je découvre seulement aujourd’hui, à un âge plus que mûr, durait un soupçon moins longtemps. Et la partition musicale de Nino Rota, malgré l’immense succès qu’elle a eue, n’est pas de mes préférées.

Alors que pour chef-d’œuvre il y ait, il faut une complète harmonie entre toutes les composantes. Cela dit, et mon 6 décerné, je dois dire que c’est un sacré film.

Malgré leur abondance, chacun des personnages est parfaitement caractérisé et reconnaissable ; les péripéties, tout de même assez compliquées, sont si bien introduites qu’on suit l’intrigue sans aucune difficulté ; les acteurs sont éclatants de talent, des premiers rôles aux vagues silhouettes aperçues en fond d’écran.

Et les coups de cymbale interviennent au parfait moment, sans que l’œil pourtant critique et roublard du vieux spectateur expérimenté ne soit blasé ; et cet œil là est même idéalement surpris lorsque l’arrogant producteur Woltz (John Marley) découvre, à son réveil, incrédule et terrifié, son lit baigné du sang de la tête coupée de son pur sang ; lorsque l’homme de main préféré de Don Corléone, le géant Luca Brasi (Lenny Montana) se fait transpercer la main par un stylet et étrangler par un lacet d’acier ; lorsque Michael (Al Pacino), qui paraissait avoir renoncé à assassiner le trafiquant Sollozo (Al Lettieri) et le flic pourri McCluskey (Sterling Hayden) tire sur eux ; et même lorsque la ravissante Apollonia (Simonetta Stefanelli) explose avec la voiture piégée qui devait tuer Michael son mari…

Je dois pourtant dire que, lors des premières séquences, je m’étais mis à songer que le fête de mariage de la fille de Corléone était plutôt moins pittoresque et – osons l’iconoclasme ! – moins vigoureusement traitée que la célébration de la circoncision du petit-fils de Raymond Bettoun (Roger Hanin) dans Le grand pardon. Et d’ailleurs, au fil des images, je trouvais des analogies avec l’excellent film d’Alexandre Arcady, notamment dans les antagonismes – ou différences de tempérament – entre les héritiers présomptifs des patriarches, Sonny (James Caan) et Michael (Al Pacino) ici, Maurice (Richard Berry) et Roland (Gérard Darmon) là. Ou dans la présence d’un sage, conseiller pondéré à sang froid, Tom Hagen (Robert Duvall) aux Etats-Unis, Raphaël Atlan (Lucien Layani) en Europe. On pourrait même évoquer les présences vocales du crooner Johnny Fontane (Al Martino) et du ténor léger Freddy Ambrosi (Armand Mestral). Sans doute Arcady a-t-il voulu réaliser un bout d’hommage.

Mais Le Parrain part tout de même assez vite dans une autre dimension, impressionnante et inquiétante. Monde féroce de subordinations nouées où un compte exact est tenu des services rendus et où le remboursement des dettes d’honneur est exigé sans rémission possible, où le moindre soupçon de trahison est sanctionné sans délai et sans pitié, vision tribale du monde, partagé entre clans dont les alliances ne sont que provisoires et révocables sans préavis…

Monde pesant, sans espérance, sans clarté, sans gaieté. Je vais maintenant regarder la suite.

 

Leave a Reply