Le prisonnier de Zenda

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Stewart Granger double

D’abord, une énergique protestation : afin de pouvoir regarder ce mythique Prisonnier de Zenda, la Warner vous oblige à une vente forcée : cette édition est couplée avec Scaramouche dans un coffret indissociable ; ça n’aurait rien de scandaleux, si Scaramouche n’avait connu il y a quelques mois une édition simple ! Qui veut Zenda se retrouve donc avec deux Scaramouche ; j’ai fait cadeau de l’exemplaire en trop, mais le procédé est d’un parfait mauvais goût.

Cette bile matutinale jetée (et les agapes de la Saint Sylvestre n’ont rien à voir là-dedans !), cette mauvaise humeur exprimée, évoquons donc Le Prisonnier de Zenda qui date, comme Scaramouche de 1952, et dont l’interprète principal est le même Stewart Granger, vraiment un des acteurs les plus séduisants de la période, immortel héros des Mines du Roi Salomon et des Contrebandiers de Moonfleet.

Dans Le prisonnier de Zenda, les amateurs en ont pour leur content puisque Granger joue un double rôle et apparaît à quelques reprises en double sur la même image : Rudolf IV, qui va être couronné Roi d’une gracieuse principauté alpine, pimpante et colorée comme une Suisse de carte postale, est un être faible, velléitaire et ivrogne. Un de ses lointains cousins, également prénommé Rudolf, voyageur anglais épris de pittoresque et de pèche à la truite, et surtout parfait sosie du Prince, va être contraint, pour sauver le trône et la légitimité de se substituer au futur monarque, que son demi-frère Michael (Robert Douglas) et une camarilla de types peu recommandables menés par Rupert of Hentzau (James Mason) veulent faire disparaître.

Naturellement, il y a là une bien belle princesse, Flavia (Deborah Kerr) que le Prince doit épouser par raison d’État, et qui va tomber amoureuse de Rudolf-le-Sosie, si courageux et différent de son pâle modèle.

On voit là qu’on nage dans ce délicieux romanesque que les auteurs de romans d’aventure anglais savaient élaborer, tous, d’ailleurs, à la gloire infinie des Enfants d’Albion, intrépides et loyaux, au contraire des tortueux Continentaux. Les lois du genre sont respectées : les méchants sont vraiment abjects (c’est rigolo de voir James Mason en implacable salaud, alors qu’on a en tête la pauvre loque Humbert-Humbert de Lolita), les nobles serviteurs du Royaume sont d’une abnégation et d’un dévouement absolus, les uniformes sont baroques et chamarrés à souhait, les douves des châteaux sont profondes et ombreuses.

Tout y est, donc, dans une atmosphère de tranquillité très Mitteleuropa, entre lacs paisibles et hautes montagnes enneigées. On voit que Prinzip n’a pas encore assassiné François-Ferdinand à Sarajevo, un 28 juin 1914…

Tout y est, mais c’est moins bien, plus faible dans le récit, et plus mollement tourné que Scaramouche ; le développement de l’intrigue est assez prévisible, et les personnages un peu monolithiques. Mais pour qui aime le Technicolor des Années Cinquante et les beaux duels, ça vaut vraiment la peine de faire l’emplette de Zenda, sous la réserve liminaire exprimée…

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