Le retour du grand blond

Accablant. Inadmissible.

Je sais bien que tout le monde doit payer ses impôts, honorer ses pensions alimentaires, prévoir pour ses vacances, accumuler pour ses vieux jours et que, lorsqu’on a eu la chance de déterrer un filon qui peut rapporter gros, il est bien difficile de résister à la tentation. L’immense succès (à peine mérité à mes yeux) du Grand blond avec une chaussure noire reposait sur la mélodie de Vladimir Cosma interprétée à la flûte de Pan par Gheorghe Zamfir et la magnifique chute de reins de Mireille Darc dévoilée par la robe de Guy Laroche. Ah… il y a aussi des gens, paraît-il qui apprécient l’histrion Pierre Richard : tous les mauvais goûts sont dans la nature.

Toujours est-il que le second film de la série est quelque chose d’informulable et d’insupportable, ne réussissant pas à faire soulever une seconde une paupière qui ne peut que s’affaisser inéluctablement. C’est un ramassis vraiment pénible de clowneries et de pitreries diverses où on rougit, de voir se commettre tant d’acteurs de qualité.

Car que Pierre Richard fasse le peu qu’il sait faire, le gugusse maladroit affolé, ça n’a finalement pas d’importance, c’est ce que lui demande son public et ce qu’il aura joué toute sa vie, du Distrait aux Fugitifs en passant par Le jouet, La chèvre, La carapate, Les compères, l’ahuri lunaire inadapté, cause de catastrophes burlesques que d’autres sont chargés de rattraper. Ça satisfait un triste goût français (et peut-être davantage) pour les personnages minables.

Je sais aussi que Jean Rochefort ou Jean Carmet n’ont pas toujours été extrêmement clairvoyants pour le choix de leurs rôles. Mais Jean Bouise ! Mais Michel Duchaussoy ! Mais Mireille Darc ! Mais Paul Le Person ! Quelle pitié. Et quel dommage.

Le retour du grand blond, bien qu’il ait été tourné deux ans après Le grand blond avec une chaussure noire, en est l’immédiate suite, étant censé se dérouler trois mois après le film initial. Ce n’est pas toujours une bonne idée parce que le spectateur peut avoir le sentiment qu’on n’a pas tout dit de l’intrigue dans ce qu’il a tendance à regarder comme une première partie ; ça n’a aucun rapport, mais Angélique et le sultan qui fait directement suite à Indomptable Angélique souffre gravement de ce défaut). Le scénario se veut un pastiche des manipulations et des montages sophistiqués construits par les services d’espionnage à coup de faux-semblants. Certes, ce genre de choses peut être fascinant, mais là, l’écriture du scénariste, Francis Veber est si relâchée et si pâlotte qu’on s’ennuie fermement entre balourdises et pantalonnades égrillardes.

Et pourtant, presque un demi-siècle après la sortie du diptyque on en parle encore et on passe les deux films à la télévision, sur des chaînes périphériques, il est vrai. Mais il est vrai aussi qu’un truc aussi affreux que La soupe aux choux a conservé son triste public…

Misère de la cinématographie, cinématographie de la misère.

Leave a Reply