Le roi du curling

Ciel gris et margarine.

Fortuitement m’est venu sous la main et donc tombé sous les yeux un gentil film bien sympathique mais tout de même très minimal. Un film venu de Norvège, pays lointain et bourré de pétrole et de gaz, dont la notoriété cinématographique n’est pas éclatante, c’est le moins qu’on puisse dire. Je dois d’ailleurs avouer que je ne connaissais guère de ce pays que d’être celui du soleil de minuit et la patrie d’Henrik Ibsen, le dramaturge auteur de la redoutablement ennuyeuse Hedda Gabler, d’Edvard Grieg, le musicien de Peer Gynt et d’innombrables champions de ski. (Je doute qu’on puisse qualifier d‘homme célèbreAnders Breivik, le terroriste aux 77 victimes).

Comme il ne faut jamais perdre une occasion de s’instruire, j’ai appris qu’au déjeuner les Norvégiens se régalaient (?) de kneippbrød, tartines d’une sorte de pain de mie recouvertes de margarine et de tranches de brunost, fromage brun au goût de caramel. On souhaite bien du plaisir à ces martyrs de la cuisine, qui ont pourtant eu le bon esprit de ne pas faire partie de l‘Union européenne. J’ajoute, pour exposer l’exhaustivité de mes connaissances sur la Norvège, que le pays a obtenu le titre olympique de curling aux Jeux de 1988 et de 2002.

Donc le curling. Je suppose que tous les esprits curieux des singularités sportives de notre monde ont déjà vu cette bizarre pétanque sur glace, pratiquée avec d’énormes pierres de granite poli, où il s’agit de s’approcher le plus près possible d’une cible. De façon que la pierre puisse glisser au mieux, les coéquipiers du lanceur manipulent frénétiquement sur son parcours des balais qui permettent de diriger sa trajectoire. Pourquoi pas ?

Le roi du curling est Truls Paulsen (Atle Antonsen), individu grassouillet capitaine d’une équipe qui comprend aussi Marcus (Jon Øigarden), sorte de constant obsédé sexuel, Flemming (Steinar Sagen), écolo passionné d’oiseaux et Espen (Jan Sælid), misanthrope institutionnel. Truls vit avec Sigrid (Linn Skåber), la pom-pom girl du curling. Son équipe, dont l’entraîneur est Gordon (Ingar Helge Gimle), qui est un peu le père que Truls n’a pas eu, dispute la supériorité nationale à celle de l’avantageux Stefan (Kåre Conradi).

Truls est un perfectionniste obsessionnel, un maniaque pathologique et son obsession du millimètre (c’est-à-dire le placement exact de sa pierre sur la cible) le conduit à la psychose et à l’internement. Des années plus tard, alors que Truls, sorti de la maison de repos mais bourré de calmants, a abandonné le curling sur injonction de sa psychiatre, Espen le misanthrope vient l’avertir que Gordon l’entraîneur a besoin d’une greffe de poumons. L’opération est indispensable mais si coûteuse qu’il faut une petite fortune pour l’effectuer. Et – ô miracle ! – une forte somme est allouée par un généreux bienfaiteur à qui remportera le prochain championnat de curling.

J’en ai assez dit, tant on peut deviner la suite et tant les péripéties sont tortillées pour parvenir à une durée de film de 1h20, format minimal. Voilà qui n’a rien d’outrancier ni de détestable. On découvre combien la Norvège, quand elle n’est pas présentée par ses offices de tourisme qui mettent en valeur les fjords, combien la Norvège, donc, est laide avec un ciel continuellement gris et de longues allées continument pluvieuses. On découvre quelques cinglés qui passent leur temps à guetter sous l’averse le passage d’un oiseau. On découvre des groupes de parole où s’assemble une pauvre humanité malade. On découvre, en fin de compte, que les Norvégiens prospères sont aussi à plaindre que la plupart des peuplades de l’Humanité.

Et on en vient à admirer le coup improbable qui permet, in fine à l’équipe de Trulls de gagner le championnat. De là à écrire que le curling a fait un nouvel adepte !!

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