L’école buissonnière

« Il va vers le soleil levant, notre pays ! »

J’aime beaucoup les films du Parti Communiste Français, dont la plupart sont nimbés d’une espérance presque eschatologique et d’un optimisme très lendemains-qui-chantent. Je parle évidemment de la grande époque du PCF, celle où il s’était constitué en Contre-Église et cherchait à rassembler dans les cellules toutes les classes sociales et intellectuelles et y parvenait presque. Et non, bien sûr, du dégoûtant partipicule d’aujourd’hui qui s’appuie sur une collection de minorités communautaristes. Mais sinon ! La vie est à nous de Jean Renoir (1936), Le temps des cerises de Jean-Paul Le Chanois déjà (1938), avant-guerre. Puis Le rendez-vous des quais de Paul Carpita (1953), La terre fleurira d’Henri Aisner (1954), Les copains du dimanche du même (1956), Premier mai de Luis Saslavsky (1958). Et la nostalgie brûlante de cette époque, après la décadence dans Rouge baiser de Véra Belmont (1985) et Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes de Jean-Jacques Zilbermann (1993)…

Cette démonstration d’érudition faite, voilà donc que L’école buissonnière rejoint mon corbillon. Réglons déjà la mire : si Le Chanois a tourné plus tard des films sans couleurs politiques il était alors encore très engagé dans le Parti, qui d’ailleurs, a financé le film par le biais de ses faux-nez, la Coopérative générale du cinéma français et l‘Union générale des cinémas. Le premier assistant Lou Bonin, le photographe Léo Mirkine, le compositeur Joseph Kosma, l’acteur Gaston Modot (qui interprète l’examinateur de français au Certificat d’études) étaient des compagnons de route plus ou moins propres. Et il m’étonnerait que parmi le reste de la distribution, il n’y en ait pas d’autres.

Et Célestin Freinet, dont le film est la biographie romancée et qui est interprété par Bernard Blier (dont les options politiques me sont inconnues) ? Ah, Freinet, c’est un peu plus compliqué puisque le pédagogue, lui-même membre du Parti, qu’il ne quitta qu’en 1952, vit ses méthodes assez vite mises en question (dès avant L’école buissonnière) par d’autres courants communistes pédagogistes puis désavouées avec une grande violence parce qu’elles pouvaient, de fait, paraître libertaires.

Tout cela étant exposé, on peut dire beaucoup de bien sur le film, un peu démonstratif et vertueux mais tout à fait charmant. Avec une certaine roublardise Jean-Paul Le Chanois, tout en demeurant rigoureusement conforme à l’esprit de Freinet, l’a émaillé de nombreuses provençalades où le public a retrouvé, à sa grande joie, les ingrédients habituels : accent sentant bon l’ail, flemme institutionnelle, faconde pleine de rondeur, indignations faciles, verve et mots drôles. Et pour bien faire il s’est entouré d’acteurs qui fleuraient bon l’huile d’olive et la lavande : Édouard Delmont (Arnaud, le vieil instituteur qui part en retraite), Edmond Ardisson (M. Pourpre, le coiffeur), Henri Arius (Hector Salicorne, le maire du village), Marcel Maupi (M. Alexandre, le pharmacien). Ceci pour ne citer que les plus notoires.

Village perdu, enfants à réveiller, instituteur brûlant de ferveur pour sa mission, décidé à changer les choses pour éveiller les jeunes intelligences et les conduire à leur épanouissement. C’est un peu (j’exagère) comme La cage aux rossignols, Bernard Blier remplaçant Noël-Noël, l’un et l’autre dotés d’un physique rassurant et modeste mais capables l’un et l’autre de se faire brûler vifs pour l’idée qu’ils ont de leur mission éducative, ce qui est bien sympathique. Le film est naïf, donc, mais attendrissant, bien construit et l’on est tout à fait heureux, à la fin, de voir tous les enfants, même les cancres, rédimés, réussir leur certificat d’études, ce diplôme mythique, largement plus ardu que le baccalauréat à deux sous d’aujourd’hui.

Ah ! Cum grano salis, je me suis fait une remarque un peu narquoise et bien orientée : l’absence totale de la moindre soutane et même de la moindre allusion à une soutane, ce qui est absolument invraisemblable dans le cadre et les coutumes d’un petit village de Haute-Provence du lendemain de la Grande guerre. Si, de bouffeurs de curés qu’ils avaient été vers 1928, au moment de la tactique de Classe contre classe les communistes avaient prudemment évolué vers la politique de La main tendue aux catholiques aux environs de 1936, ils gardaient, après le deuxième conflit mondial un silence prudent sur le thème, en attendant les instructions de Moscou.

Je dois dire que ce genre de petits détails me ravit.

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