Les joyeux pèlerins

Fantaisie sans tonalité.

Ah ! Riche permanence des nanars français à prétention musicale tournés autour d’une formation orchestrale déjà célèbre et appréciée des spectateurs ! On s’y jette avec sympathie en espérant trouver de la joie de vivre bon enfant et, plus encore, le parfum d’une France presque disparue, à base de braves garçons courageux, de jolies filles romanesques et d’un ou deux loustics chargés de faire rigoler le brave public du samedi soir par leur apparence physique ou leur agitation continuelle… L’ethnographe du cinéma populaire y conserve les délices de À nous deux, madame la vie de René Guissart en 1937 avec l’orchestre de Fred Adison, de Mademoiselle Swing de Richard Pottier en 1942 avec l’orchestre de Raymond Legrand, de Pigalle-Saint Germain-des-Près d’André Berthomieu en 1950 avec l’orchestre de Jacques Hélian, du chef-d’œuvre du genre, Nous irons à Paris et de son petit frère Nous irons à Monte-Carlo l’un et l’autre de Jean Boyer en 1950 et 1952 avec l’orchestre de Ray Ventura… Voilà un simple échantillon.

Les joyeux pèlerins, sorti fin 1951 et réalisé par Fred Pasquali, également acteur du film, présente un autre orchestre mythique, celui d’Aimé Barelli, beaucoup plus jazzy que les autres qui interprétaient davantage des sketchs musicaux (qui ne connaît Tout va très bien, Madame la marquise ?). Mais le principe demeure identique et le film, au sujet mince comme une cuisse de mouche, n’est que prétexte à montrer l’orchestre et ses virtuoses dans des numéros plus ou moins bien amenés qui interviennent à tout propos.

Dès lors, dans le genre, tant vaut le film ce que vaut la musique ; c’est pourquoi Nous irons à Paris est parfait (avec À la mi août et Tant je suis amoureux de vous en premier plan), c’est pourquoi Les joyeux pèlerins manque beaucoup d’intérêt. Le scénario n’est pas plus bête qu’un autre : Aimé Barelli (regard de velours et physique avantageux) décide d’emmener en vacances à Rome sa vieille maman (Cécile Didier, qui s’était fait une spécialité du rôle : c’est la mère du cheminot devenu aveugle Jean Gabin, dans La nuit est mon royaume).

Ses musiciens décident de l’accompagner ; et son imprésario (Fred Pasquali) électrique et bondissant (préfiguration de Louis de Funès) s’ajoute à la troupe afin de faire signer à l’orchestre un contrat avec un grand organisateur de spectacles étasunien qui séjourne aussi dans la Ville éternelle.

Comme il se trouve que cette année là est jubilaire, toute la volière d’un couvent de jeunes filles se trouve partager le train des voyageurs. On devine que des idylles vont se nouer, notamment entre Barelli et Nicole (Nicole Francis), sur qui veille comme du lait sur le feu son oncle, homme à tout faire de l’orchestre qui se méfie de la réputation de joli cœur du chef. Ce rôle est tenu par Jean Dunot, un des acteurs les plus laids du cinéma français ; tout le monde le connaît, évidemment : c’est le cafetier salaud de pauvre que Gabin couvre de honte dans La traversée de Paris ; petite incidente rigolote.

Rien d’autre. Ou si : une scène quasi surréaliste : Kenneth (Kenneth Spencer), chanteur étasunien qui s’est agrégé à la troupe, interprétant l’ancien hymne russe (écrit par Dvorak), celui qu’on entend dans Le barbier de Sibérie.

Moment irréel et merveilleux. On trouve toujours quelque chose à ramasser, même dans les pires nanars.

3 Responses to “Les joyeux pèlerins”

  1. martel dit :

    Louis de Funès ne joue pas dans ce film.

  2. impetueux dit :

    Je n’ai pas dit que Funès jouait dans « Les joyeux pélerins » ; j’ai écrit que Fred Pasquali était la préfiguration du bondissant et éructant Funès. Nuance importante !

  3. impetueux dit :

    Je n’ai pas dit que Funès jouait dans « Les joyeux pélerins » ; j’ai écrit que Fred Pasquali était la préfiguration du bondissant et éructant Funès. Nuance importante !

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