Les prédateurs

Sexe et sang.

Lorsque je l’ai vu, lors de sa sortie sur les écrans français, en 1983, ce film bizarre, atypique et violent m’avait particulièrement plu. Je l’ai sans doute un peu moins apprécié lorsque je l’ai revu en DVD, il y a quelques années. Je viens de le regarder à nouveau : sans aller au sommet, il est tout de même très plaisant, très séduisant, très intéressant. Esthétique des années 80, certes, type rock gothique, tenues en latex, lunettes noires, couple libéré, esthétique recherchée, troublante, audacieuse. Datée mais efficace.

Le début du film est éblouissant de sauvagerie, la violence de l’immolation du petit couple dragué par les tueurs dans une boîte de nuit alternant habilement avec les beaux panoramiques sur les longues perspectives de San Francisco à l’aube et la furie des singes qui servent de cobayes à l’équipe médicale dirigée par le docteur Sarah Roberts (Susan Sarandon). Je tiens, au demeurant, que le mélange habile entre les billevesées scientifiques de cette équipe, ses doutes, ses interrogations, ses recherches et la réalité démoniaque de l’existence des Prédateurs est excellent ; j’ai songé à ces mêmes pauvres interrogations de la Science impuissante face à la force de Satan dans L’Exorciste, dix ans auparavant…

les-predateurs_1053451Je trouve, en revanche, que le titre français de Prédateurs traduit bien imparfaitement la destinée monstrueuse des pauvres êtres condamnés à l’immortalité ; il me semble que la traduction de l’anglais The Hunger aurait dû être Les assoiffés ou, mieux encore Les affamés ; mais tout cela fait un peu film d’horreur porno (et d’ailleurs l’inénarrable Jesus Franco a bien réalisé des Prédateurs de la nuit qui ne sont pas absolument dépourvus d’agrément). J’aurais pour ma part balancé entre Les damnés et Les maudits, sans me dissimuler que ces deux titres ont déjà utilisé au cinéma dans d’autres orientations. Cela pour dire que le destin épouvantable des victimes de Miriam (Catherine Deneuve), qui va se perpétuer avec Sarah est moins de devoir se nourrir hebdomadairement de jeunes sangs frais que de devoir survivre des millénaires, pour toujours et toujours

La première moitié du film est une belle réussite, mais la seconde sombre graduellement dans le grotesque et le mauvais goût. En fait, à partir du moment où le pauvre John (David Bowie) revient à la maison, vieillissant et se craquelant de minute en minute, ça commence à sentir le roussi, si je puis dire. Ça va mettre plus de temps à se dégrader que John, qui tombe en ruine à vue d’œil, mais il y a des tas de scènes ridicules qui font s’esclaffer, comme celle où John, précisément, mendie à Miriam un baiser qu’il n’obtiendra pas.

Plein de belles idées, toutefois encore, comme la scène – devenue, paraît-il, icône du cinéma lesbien (!) – où Catherine Deneuve séduit Susan Sarandon, sur le fond musical du célèbre duo de Lakmé et de Mallika et dans une lumière poudrée élégante ; que la nouvelle contaminée subisse ensuite des spasmes de dégoût n’est pas mal conçu non plus.

Mais la fin du film, nettement moins réussie, sent le carton-pâte. Certes, les effets spéciaux de 1982 n’étaient pas aussi perfectionnés que ceux d’aujourd’hui ; n’empêche que le recroquevillement du singe artificiellement vieilli et surtout la révolte des monstres, exaspérés par Miriam qui leur a promis la lune et ne leur a donné que la géhenne éternelle est assez grotesque : on pourrait se croire dans une sorte de Nuit des morts-vivants, ce qui dénote un peu dans un film par ailleurs très élégant.

C’est plein d’idées, trop souvent mal maîtrisées, mais le spectacle en vaut la peine…

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