Les reines du ring

Il y a bien trop d’argent dans le cinéma français.

Quatre caissières d’un supermarché d’un coin déshérité du Nord de la France qui décident de mettre un peu de soleil dans un quotidien terne, ça ne vous fait pas penser à cinq ouvriers laissés pour compte du Nord de l’Angleterre qui créent un groupe de stripteaseurs ? Même si les quatre caissières ne sont pas au chômage, au contraire des cinq ouvriers de The full monty elles vivent comme eux une existence compliquée ; sans homme – ou avec trop d’hommes – avec des tas d’histoires qu’on découvre, ou qu’on devine, avec leurs enfants, leurs parents, leurs comptes bancaires, leurs chefs, petits et grands, leurs solitudes et leurs désespérances.

Après tout, pourquoi pas ? On peut espérer un film dans la veine du cinéma social ou sociétal, si l’on préfère, ancré dans les désolants territoires de briques et de ciel gris ; dans les meilleurs des cas, cela donne le cinéma de Lucas Belvaux, des frères Dardenne, de Cyril Mennegun, la vie rêvée des pauvres qui nous permet à la fois, de souffrir avec eux et d’être bien contents de n’être pas comme eux.

 Donc les quatre amies décident de former un groupe de catch féminin destiné à affronter une troupe de catcheuses mexicaines en tournée. Le catch, au Mexique, c’est comme l’adulation de la mort et le football : un plaisir délicieux et un divertissement apprécié de tous. Jusque là tout va bien. Mais déjà, pourtant, ça se dégrade ; par exemple, quelle drôle d’idée d’employer, comme manageur et entraineur des filles André Dussolier, l’acteur le plus mis à toutes les sauces du cinéma français, à peu près aussi crédible dans le rôle que le serait… je ne sais pas, moi, Michel Simon en Julien Sorel ? En tout cas, en catcheur nostalgique, il dézingue déjà une bonne partie du film.

Et les quatre actrices, alors ? On ne peut pas dire qu’elles soient mauvaises, mais elles se fichent évidemment tellement du film qu’on n’arrive pas à prendre au sérieux le quart du tiers de l’histoire…

Là, une incidente : je suis bien conscient que, pour continuer de vivre à Paris, dans les lofts des quartiers bobos (et leur merveilleuse diversité ethnique et culturelle) ou dans les appartements familiaux des beaux quartiers de l’Ouest (et leur tranquillité rassurante de villages préservés), il faut bien alimenter périodiquement et solidement le compte en banque. Nous en sommes tous là et dans nos différents métiers nous n’avons sûrement pas eu le choix et pu faire la fine bouche pour refuser ce qui nous avait été demandé – ou imposé – : c’est la nature des choses. L’ennui, pour les acteurs, c’est que ce genre de contraintes est plus visible que pour tout autre profession. On se montre, on s’exhibe, on se donne au spectateur et on doit bien s’y habituer et s’en contenter. Mais quand on le fait par dessous la jambe, ça se voit bien davantage que partout ailleurs. Quitte à abimer l’image que le spectateur, pourtant souvent bonne pâte – a de vous.

 Même si on ne tient pas Nathalie Baye pour une actrice fulgurante, même si, tout en reconnaissant à Corinne Masiero une allure et une présence intéressantes, on ne la place pas au sommet du Panthéon du cinéma, même si tout en concèdant à Marilou Berry une certaine énergie, on ne voit pas comment elle pourrait échapper aux rôles de battante grassouillette, on se dit que ces dames, ici et là ont tenu des rôles où elles montraient un certain talent.

Eh bien ce n’est pas dans une comédie prétendument sociale comme Les reines du ring, filmée à la va-vite, languissante, désinvolte, paresseuse, emplie de banalités de comportement, sans subtilité ni humour qu’on va se réconcilier avec ce genre de cinéma, tellement irrigué par le système français de financement qu’il en devient caricatural…

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